Né le 27 décembre 1930 à Hayti, dans le Missouri, Bob Stroger représente bien plus qu'un simple musicien ; il est le gardien d'une tradition qui a migré des champs de coton vers les clubs électrifiés du Nord. Son parcours est emblématique de la Grande Migration afro-américaine, un mouvement qui a non seulement déplacé des populations, mais a surtout transmuté le blues rural en une force urbaine et électrique.
Les années de formation et l'ombre des géants
L'enfance de Stroger s'est déroulée dans la ruralité du Missouri, mais c'est son arrivée à Chicago en 1955 qui a scellé son destin musical. La famille Stroger s'installe dans le West Side, occupant un appartement situé juste derrière le Silvio's, un club légendaire qui accueillait les figures de proue du Chicago Blues. Cette proximité géographique a permis à Stroger de s'imprégner, presque par osmose, du jeu de Muddy Waters et Howlin' Wolf.
Initialement guitariste autodidacte, Stroger s'est tourné vers la basse par nécessité et par opportunité, encouragé par son beau-frère Johnny Ferguson et des musiciens tels que Calvin "Fuzz" Jones. Ses débuts sur l'instrument étaient précaires : il utilisait une guitare dont il accordait les cordes pour simuler le registre grave avant de pouvoir s'offrir une véritable basse électrique à quatre cordes. Ce passage de la guitare à la basse est crucial pour comprendre son style : il conserve une approche mélodique tout en privilégiant la fonction de soutien rythmique pur.
L'art du sideman d'élite
La carrière de Stroger se définit par sa fidélité et sa stabilité. Pendant quinze ans, il a été le pilier rythmique du guitariste Eddie King, participant à ses premiers enregistrements en 1965 avec le titre "Love You Baby". Après une période de doute qui l'a vu s'éloigner de la musique suite au départ de King, il est revenu sur le devant de la scène grâce à Otis Rush en 1975.
Sous la direction de Rush, Stroger a perfectionné ce que les critiques appellent le "groove inébranlable". Son rôle n'était pas de briller par des solos complexes, mais de créer un tapis sonore d'une densité telle que le soliste pouvait explorer toutes les libertés harmoniques. Cette période l'a mené à parcourir l'Europe, devenant une figure familière des festivals internationaux comme le Lucerne Blues Festival. Sa capacité à s'adapter aux tempéraments variés de leaders comme Sunnyland Slim, Jimmy Rogers ou Eddie Taylor témoigne d'une intelligence musicale supérieure, centrée sur l'écoute et l'effacement de l'ego au profit de la chanson.
Un leader tardif et une reconnaissance historique
Ce n'est qu'à l'âge de 72 ans que Bob Stroger a franchi le pas de l'enregistrement sous son propre nom avec l'album In the House: Live at Lucerne, Vol. 1 en 2002. Encouragé par Sunnyland Slim à chanter, il a révélé une voix chaleureuse et authentique qui complète parfaitement son jeu de basse. Sa longévité exceptionnelle, marquée par des performances actives à plus de 94 ans, a été récompensée par de nombreux Blues Music Awards et une intronisation au Blues Hall of Fame en 2025.
| Caractéristique | Détails de Bob Stroger |
|---|---|
| Instrument fétiche | Fender Jazz Bass de 1960 avec micros d'origine |
| Amplification | Tête Ampeg B2-RE et cabinet SVT610 HLF |
| Technique de jeu | Jeu aux doigts (Pizzicato), Walking bass, Accentuation sur les temps 1 et 3 |
| Collaborations clés | Otis Rush, Sunnyland Slim, Eddie King, Mississippi Heat |
| Récompenses | Blues Music Award du meilleur bassiste (2011, 2013, 2024) |
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