Pour les habitués de gravebasse.com, le nom de Perry Bamonte n'évoque pas seulement un musicien, mais le garant d'une certaine densité sonore qui a défini une époque. Membre polyvalent de The Cure, Bamonte a incarné pendant des décennies ce lien invisible entre la mélodie et la fondation rythmique. Son parcours reste celui d'un artisan de l'ombre qui a su dompter l'instrument hybride par excellence, la Fender Bass VI, pour sculpter l'identité même du rock gothique et atmosphérique, laissant derrière lui une empreinte indélébile dans le spectre des fréquences graves.
L'histoire de Perry Bamonte avec The Cure commence par une porte dérobée, loin des projecteurs. Contrairement à d'autres membres recrutés dans les cercles artistiques londoniens, il entre dans la galaxie de Robert Smith en tant que technicien guitare à la fin des années quatre-vingt. C'est sa connaissance intime du matériel et sa discrétion exemplaire qui poussent Smith à faire appel à lui en 1990. Multi-instrumentiste capable de passer des claviers à la guitare avec une fluidité rare, Bamonte s'est rapidement imposé par sa capacité à occuper l'espace sonore situé entre la basse traditionnelle et la guitare lead, un territoire souvent délaissé mais essentiel à la profondeur harmonique du groupe.
C'est avec l'album Wish, paru en 1992, que l'apport de Perry Bamonte est devenu indissociable du son de The Cure pour tout amateur de "bas du spectre". Tandis que Simon Gallup restait le métronome bondissant à la Precision Bass, Bamonte apportait une épaisseur mélodique unique en utilisant massivement la Fender Bass VI. Cet instrument, accordé une octave plus bas qu'une guitare standard, définit l'identité sonore de morceaux emblématiques comme Trust ou les versions les plus habitées de Pictures of You. Bamonte ne jouait pas la basse comme un remplaçant, mais comme un créateur de textures. Ses lignes étaient des motifs répétitifs et mélancoliques qui venaient doubler ou contraster les fondamentales, créant cette dimension onirique si particulière.
Cette fidélité à l'esthétique du grave s'est poursuivie au fil des œuvres marquantes du groupe. La force de Bamonte résidait dans sa complémentarité quasi télépathique avec Gallup. Rarement deux musiciens n'ont aussi bien réussi à faire cohabiter une basse électrique traditionnelle et une basse à six cordes sans créer de confusion sonore. Il savait précisément quand s'effacer pour laisser respirer le groove et quand faire gronder ses cordes de fort tirant pour asseoir l'ambiance. Son jeu n'était jamais une démonstration de force, mais une leçon de placement et de retenue.
Le destin de Perry Bamonte avec The Cure a connu des silences et des retrouvailles, notamment ce retour ultime sur scène qui a permis au public de savourer une dernière fois cette architecture sonore si riche. Aujourd'hui, alors que les dernières notes de sa carrière résonnent comme un écho lointain, on réalise l'ampleur du vide qu'il laisse. Pour les passionnés de matériel, son héritage repose sur un rig devenu légendaire, de ses modèles vintage de Fender Bass VI à sa propre signature chez Schecter. Son usage des effets, notamment ce mélange de flanger et de chorus aquatique, restera la grammaire fondamentale pour quiconque cherche à faire chanter les cordes graves.
En définitive, Perry Bamonte aura été bien plus qu'un musicien de complément ; il fut le gardien de la profondeur de l'esprit du groupe. Il illustre parfaitement l'idée que la musique ne se résume pas à la vélocité, mais à une compréhension intime des fréquences. Alors que le rideau tombe, il nous laisse le souvenir d'un homme dont la discrétion n'avait d'égal que la puissance sonore qu'il dégageait. Sa basse VI s'est tue, mais les vibrations qu'il a insufflées dans l'œuvre de The Cure continueront de faire trembler les murs et les cœurs, rappelant que dans l'ombre du bas-médium se cache souvent l'âme véritable du rock.
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