Mike Watt, le protopunk bassiste de San Pedro (1957-)

Michael David Watt, né le 20 décembre 1957 à Portsmouth, en Virginie, incarne l'une des figures les plus influentes et respectées de la basse électrique dans le paysage du rock indépendant américain. Son parcours est indissociable de la ville portuaire de San Pedro, en Californie, un environnement ouvrier qui a façonné son approche pragmatique et passionnée de la musique, souvent résumée par le slogan « jam econo ».   

Le déménagement de la famille Watt à San Pedro en 1967 s'avère être le catalyseur de sa carrière. C'est dans ce contexte qu'il rencontre D. Boon à l'âge de dix ans, une amitié qui définira la trajectoire du punk rock californien. Ensemble, ils découvrent la musique par le biais de groupes comme T. Rex, Blue Öyster Cult et Creedence Clearwater Revival. Initialement dépourvus de formation formelle, Watt et Boon apprennent leurs instruments respectifs — la basse pour Watt et la guitare pour Boon — en développant un langage musical qui leur est propre, basé sur l'interaction et l'expérimentation constante.   

En 1978, ils forment The Reactionaries avec le batteur George Hurley, jetant les bases de ce qui deviendra les Minutemen. Cette formation se distingue par une approche révolutionnaire du punk, intégrant des éléments de jazz, de funk et de folk dans des compositions d'une brièveté et d'une intensité extrêmes. Le style de Watt à cette époque est caractérisé par une agilité remarquable, utilisant souvent le registre aigu de l'instrument pour des lignes mélodiques qui s'entrelacent avec la guitare de Boon, plutôt que de simplement suivre la fondamentale.   

Entre 1980 et 1985, les Minutemen publient une série d'albums qui redéfinissent les limites de la musique alternative. Leur chef-d'œuvre, l'album double Double Nickels on the Dime (1984), est une réponse ambitieuse au Zen Arcade de Hüsker Dü et reste l'un des piliers du catalogue SST Records. La complexité du jeu de Watt durant cette période est en partie le résultat de contraintes physiques. Atteint de la maladie d'Osgood-Schlatter, il subit plusieurs opérations aux genoux au début des années 1980, ce qui limite ses tournées mais le pousse à une activité de composition intense pendant ses convalescences.   

Le décès tragique de D. Boon le 22 décembre 1985 met fin brutalement aux Minutemen. Watt, profondément affecté, envisage de quitter la musique. C'est l'invitation de Sonic Youth à New York en 1986 qui le ramène à la basse, participant à l'enregistrement de l'album Evol. Cette transition marque le début d'une nouvelle phase avec la formation de fIREHOSE, groupe qui connaîtra un succès substantiel sur le circuit universitaire et signera même chez Columbia Records.

Mike Watt est un adepte des instruments robustes capables de supporter son attaque percutante. Il a longtemps été associé à la Fender Precision Bass et à la Gibson EB-3, bien qu'il ait utilisé des basses plus spécifiques pour ses projets expérimentaux, comme une Fender Telecaster Bass de 1968. Son son se distingue par une clarté médium prononcée, permettant à chaque note de ses lignes souvent complexes d'être audible, même dans les mixages les plus denses. En tant que pionnier du numérique, il lance dès 1995 sa « Hoot Page », l'un des premiers sites web d'artistes à offrir une communication directe et transparente avec les fans.   

En 2008, il reçoit le prix de l'accomplissement de toute une vie par le magazine Bass Player, une distinction remise par Flea des Red Hot Chili Peppers, groupe qui lui avait déjà dédié l'album Blood Sugar Sex Magik en 1991. Watt continue de multiplier les collaborations, participant à plus de 50 projets différents entre 2018 et le milieu des années 2020, affirmant sa position de mentor et d'icône indéracinable de la basse.