Aujourd'hui, Miroslav Vitous, Co-Fondateur de Weather Report (1947-)

Publié le 6 décembre 2025 à 06:56

Le 6 décembre est l'occasion de célébrer Miroslav Vitouš, un contrebassiste tchèque dont l'impact sur le jazz moderne et le jazz fusion est indéniable. Né à Prague en 1947, Vitouš n'est pas seulement un musicien : il est un architecte sonore qui a contribué à redéfinir le rôle de la basse dans le jazz contemporain, notamment en co-fondant le groupe légendaire Weather Report.

Son parcours, de ses débuts classiques en Tchécoslovaquie à la reconnaissance aux États-Unis, est le témoignage d'un engagement inébranlable envers l'innovation et la liberté musicale, faisant de lui une source d'inspiration inépuisable pour tout bassiste.

Comme beaucoup de grands contrebassistes de jazz, la formation de Vitouš commence par l'étude classique. Il débute le violon à six ans, passe au piano, puis découvre la contrebasse à l'âge de quatorze ans. Ce bagage classique lui confère une technique d'archet et une intonation d'une précision remarquable, des qualités qu'il transplantera dans le monde de l'improvisation.

Son talent est tel qu'il remporte le prestigieux concours de jazz de Vienne à l'âge de 17 ans. Peu après, il s'installe aux États-Unis, où il obtient une bourse pour étudier au Berklee College of Music à Boston. Ce déménagement le place au cœur de l'ébullition du jazz des années 60 et 70.

Rapidement, il devient un sideman recherché, collaborant avec des figures majeures comme Miles Davis (bien que leur collaboration soit brève et peu documentée), Freddie Hubbard, Art Farmer, et surtout, Chick Corea (avant l'ère électrique de Patitucci !) et Herbie Mann.

L'événement marquant de la carrière de Vitouš est sans aucun doute la co-fondation de Weather Report en 1970, aux côtés du pianiste Joe Zawinul et du saxophoniste Wayne Shorter.

Pendant les premières années du groupe (1970–1973), Vitouš a joué un rôle essentiel dans l'établissement de leur identité sonore unique. Contrairement à d'autres groupes de fusion de l'époque qui s'orientaient vers le funk et le rock, le premier Weather Report était axé sur l'improvisation collective libre et l'ambiance sonore inspirée des paysages naturels.

Le rôle de Vitouš n'était pas de simplement maintenir un walking bass ou un groove simple. Il utilisait la contrebasse acoustique (et parfois la basse électrique) de manière lyrique et exploratoire. Ses lignes de basse étaient sinueuses, mélodiques, et réagissaient constamment aux autres instruments, créant un tapis d'harmonies flottantes et de textures rythmiques complexes. Cette approche a fait de lui l'un des premiers contrebassistes à libérer véritablement l'instrument des contraintes rythmiques traditionnelles du hard bop pour l'intégrer dans le discours du jazz modal et de l'avant-garde.

Des albums fondateurs comme Weather Report (1971), I Sing the Body Electric (1972) et Sweetnighter (1973) portent l'empreinte de son jeu.

Malgré son importance créative, l'approche de Vitouš a fini par entrer en conflit avec la direction que souhaitait prendre le groupe. Joe Zawinul, cherchant à atteindre un public plus large, a orienté Weather Report vers des structures plus rythmiques, funk et mélodiques, aboutissant à l'arrivée de la basse électrique et, finalement, à l'incorporation de Alphonso Johnson, puis de Jaco Pastorius.

Le départ de Vitouš en 1973 est souvent considéré comme la fin de la première ère, plus expérimentale et acoustique, de Weather Report. Ce schisme illustre une tension fondamentale dans le jazz fusion des années 70 : la balance entre la liberté artistique et l'accessibilité commerciale. Vitouš a choisi la première.

Après Weather Report, Vitouš a poursuivi une carrière prolifique en tant que leader et collaborateur, se concentrant principalement sur la contrebasse acoustique au sein de trios et de quartets.

Son travail avec le label ECM Records est particulièrement remarquable. Il a enregistré des albums de jazz en trio exceptionnels, notamment avec le guitariste norvégien Terje Rypdal et le batteur Jack DeJohnette. Ces enregistrements mettent en lumière sa sonorité riche, son talent de compositeur, et sa capacité à créer des dialogues musicaux intimes et souvent éthérés.

Plus tard, dans les années 90, il s'est associé au pianiste français Michel Petrucciani, créant un trio acclamé pour son énergie et sa virtuosité.

Au-delà de ses performances, Miroslav Vitouš est reconnu pour son travail de composition et son approche théorique de l'improvisation. Il a enseigné au prestigieux New England Conservatory of Music, partageant sa vision selon laquelle la basse est un instrument mélodique et harmonique avant d'être seulement rythmique.

Son héritage est celui d'un musicien qui a insisté sur l'importance du son personnel et de l'interplay, le jeu d'écoute et de réaction entre les musiciens. Pour les bassistes et contrebassistes, l'écoute des premiers albums de Weather Report et de ses trios ECM est un passage obligé pour comprendre comment intégrer la liberté harmonique tout en restant le fondement d'une musique.

Miroslav Vitouš n'est pas seulement le bassiste qui a aidé à démarrer une révolution ; il est le contrebassiste qui a continué à affirmer que la profondeur de l'instrument réside dans sa capacité à chanter, à converser et à explorer les confins du langage musical.

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