Pour des millions de fans de rock dans les années 80, Rudy Sarzo était l'image même du bassiste de heavy metal. Une crinière indomptable, une présence scénique féline, et des lignes de basse qui semblaient propulser le "Crazy Train" à pleine vitesse. Pourtant, l'histoire de Rodolfo Maximiliano Sarzo, né à La Havane, Cuba, le 18 novembre 1950 , commence bien loin des stéréotypes du Sunset Strip, avec des rythmes qui définiront son approche unique de l'instrument.
Sarzo a souvent raconté comment son "horloge interne" de musicien s'est formée avant même son émigration aux États-Unis en 1961. Dans son quartier de La Havane, il s'endormait au son des enfants du voisinage qui se rassemblaient la nuit pour jouer des rythmes complexes sur les différentes parties métalliques des voitures garées – ailes, enjoliveurs, capots. Cette immersion précoce dans les polyrythmies afro-cubaines aura une influence durable, lui conférant un "groove" naturel.
Cette fondation explique en partie pourquoi Sarzo, contrairement à beaucoup de ses contemporains dans le metal, est avant tout un joueur aux doigts, avec une sensibilité R&B et funk. C'est cette musicalité rythmique qui fera de lui le partenaire idéal pour l'un des guitaristes les plus révolutionnaires de sa génération.
L'Époque Ozzy et le "Crazy Train" (1981-1982)
En arrivant à Los Angeles en 1977, Sarzo rejoint Quiet Riot, où il se lie d'amitié avec le guitariste Randy Rhoads. Lorsque Rhoads est catapulté vers la gloire mondiale avec Ozzy Osbourne, il ne tarde pas à recommander son ami bassiste. Sarzo rejoint le groupe d'Ozzy en mars 1981.
Une précision cruciale s'impose pour les puristes : bien que Sarzo soit le bassiste qui a tourné pour les albums Blizzard of Ozz et Diary of a Madman, les parties de basse studio sur ces disques ont été magistralement enregistrées par Bob Daisley. L'héritage de Sarzo avec Ozzy n'est cependant pas moindre ; il est immortalisé sur les albums live essentiels Speak of the Devil (1982) et Tribute (1987), ce dernier étant un hommage poignant à Randy Rhoads.
Sur scène, Sarzo n'était pas un simple exécutant. Il était un personnage. Réfugié cubain , il se sentait souvent comme un étranger. Il a raconté qu'un moment déterminant fut lorsqu'il a lu une interview d'Ozzy dans Circus Magazine. Quand le journaliste a demandé qui était dans son groupe, Ozzy a répondu en incluant "Rudy From Cuba". Pour Sarzo, ce fut une validation ; il faisait partie de la famille.
La "Metal Health" et la Conquête du Monde (1982-1985)
La mort tragique de Randy Rhoads en mars 1982 laisse Sarzo dévasté. Désabusé, il quitte le groupe d'Ozzy et, peu de temps après, accepte de rejoindre ses anciens camarades de Quiet Riot, qui sont sur le point de signer un contrat.
Cette décision va changer l'histoire du rock. En 1983, Quiet Riot sort l'album Metal Health. Porté par la reprise de Slade "Cum on Feel the Noize" et le titre éponyme, il devient le tout premier album de heavy metal à atteindre la première place du classement Billboard. Le Circus Magazine le vote "Bassiste n°1" de l'année.
Sarzo racontera plus tard l'anecdote de l'enregistrement de "Cum on Feel the Noize". N'étant pas familier avec l'original de Slade et sans YouTube pour référence, il s'est simplement demandé en studio : "Qu'est-ce que Tom Petersson jouerait?". Le résultat est cette ligne de basse dynamique qui a fait chanter des millions de personnes.
Encore une fois, la distinction entre studio et scène est notable. Bien que Sarzo ait joué sur la quasi-totalité de l'album , y compris "Cum on Feel the Noize", l'intro et le solo de basse mémorables du morceau titre "Metal Health (Bang Your Head)" ont été joués par Chuck Wright, qui a quitté le groupe juste avant que l'album ne soit finalisé. Mais c'est bien le visage de Sarzo qui figure sur la pochette , dans les clips vidéo, et sur la scène du monumental US Festival de 1983, où Quiet Riot a joué devant des centaines de milliers de personnes. Sarzo était l'incarnation de la basse metal.
Le Mercenaire de Luxe (Whitesnake et au-delà)
Après avoir quitté Quiet Riot au sommet de sa gloire, Sarzo devient l'un des "mercenaires" les plus recherchés du rock. Il rejoint Whitesnake en 1987, après la sortie de leur album multi-platine. David Coverdale, le chanteur, a assemblé un "supergroupe" de musiciens virtuoses et visuellement spectaculaires pour l'ère MTV, comprenant Steve Vai, Adrian Vandenberg et Tommy Aldridge.
Sarzo a confirmé que ce groupe, conçu pour le marché américain, a tourné le clip de "Still of the Night" (une nouvelle version pour la vidéo) avant même d'avoir répété ensemble. Sa contribution est à nouveau cimentée par un album live, Live at Donington 1990.
Sa carrière post-Whitesnake est un véritable "who's who" du hard rock, jouant avec Dio, Blue Öyster Cult, Geoff Tate's Queensrÿche, et, plus récemment, The Guess Who.
Équipement et Héritage
Fidèle à son jeu aux doigts , Sarzo est connu pour ses basses signatures, notamment avec Peavey dans les années 80/90 et plus récemment avec Spector. Son son moderne est souvent sculpté par des préamplis Tech 21 (il utilise le modèle signature Doug Pinnick) et des cordes D'Addario.
Rudy Sarzo s'est un jour décrit lui-même comme le "mortier" (le "Mortar") – le liant qui maintient les briques (les superstars) ensemble. C'est la description parfaite. Son héritage n'est pas seulement dans les lignes de basse qu'il a jouées, mais dans sa capacité à avoir été le partenaire rythmique, le showman et le professionnel ultime qui a ancré certains des plus grands spectacles de l'histoire du rock.
Ajouter un commentaire
Commentaires