Souvenir de Greg Lake, un pilier du rock progressif né en 1947

Publié le 10 novembre 2025 à 07:15

Né le 10 novembre 1947 à Poole, Dorset, en Angleterre, Gregory Stuart Lake était destiné à devenir l'une des figures les plus emblématiques du rock progressif. Doté d'une voix souvent décrite comme celle "d'une génération" , il détient l'honneur unique d'avoir été membre fondateur de deux des piliers les plus influents du genre : King Crimson et Emerson, Lake & Palmer (ELP).   

Jeunesse et la connexion Fripp

L'histoire de Lake commence dans le Dorset d'après-guerre, dans une modeste maison préfabriquée ("prefab") à Oakdale. Sa vie bascule à l'âge de 12 ans lorsqu'il reçoit sa première guitare. Le talent est immédiat ; il écrit sa première chanson, "Lucky Man", au même âge, une composition qu'il gardera en mémoire et qui deviendra un standard mondial une décennie plus tard.   

Le tournant le plus décisif de sa jeunesse fut sa formation musicale. Sa mère l'inscrit à des cours de guitare chez un professeur local, Don Strike. Ce même professeur avait également pour élève un autre jeune guitariste du Dorset, Robert Fripp. L'enseignement de Strike était rigoureux, forçant ses élèves à jouer des exercices de violon complexes de Paganini. Cette formation technique partagée, à la fois classique et exigeante, a créé un lien musical indélébile et une compréhension mutuelle profonde entre Lake et Fripp, bien avant qu'ils ne songent à former un groupe.   

Après avoir quitté l'école et travaillé brièvement comme apprenti dessinateur , Lake se lance à plein temps dans la musique à 17 ans. Il fait ses armes en tant que guitariste et chanteur dans des groupes locaux comme Unit Four, The Time Checks et The Shame.   

King Crimson : Le pivot vers la basse

En 1968, son ami Robert Fripp l'invite à rejoindre un nouveau projet, King Crimson. Il y avait un problème : Lake était guitariste, et Fripp l'était aussi. Lake accepte alors de faire ce qui s'avérera être un changement capital pour le rock : il passe à la guitare basse.   

Il n'aborde pas l'instrument comme un bassiste traditionnel. Il explique : "Le style que j'ai développé était une approche plus percussive et plus soutenue, qui venait presque certainement de toutes mes années à la guitare". Frustré par "le son sourd normal des basses" , il cherche un son plus expressif. Il devient un pionnier de l'utilisation des cordes "wire wound" (filées rondes), comme celles de la marque Rotosound , pour obtenir une sonorité brillante, semblable à celle d'un piano, et une attaque agressive au plectre. Ce son, combiné à sa voix de choriste, définit le premier album monumental du groupe, In the Court of the Crimson King (1969).   

Fatigué des tournées, Lake quitte King Crimson fin 1969. Il accepte néanmoins de chanter sur leur deuxième album, In the Wake of Poseidon (1970) , en échange d'une faveur : il est payé en nature avec le système de sonorisation de tournée du groupe.   

Emerson, Lake & Palmer (ELP) : La naissance d'un supergroupe

En décembre 1969, lors d'une tournée aux États-Unis, King Crimson partage l'affiche avec le groupe The Nice. Lake rencontre leur claviériste virtuose, Keith Emerson. Partageant des intérêts musicaux similaires, ils décident de former un nouveau groupe. De retour en Angleterre, ils recrutent le batteur Carl Palmer (d'Atomic Rooster).   

Leur ascension est fulgurante. Leur deuxième concert, au festival de l'île de Wight en 1970, est une démonstration théâtrale de virtuosité qui les propulse immédiatement au rang de "super groupe" mondial.   

Au sein d'ELP, Lake n'est pas seulement le chanteur, le bassiste et le guitariste acoustique (sur des tubes comme "Lucky Man") ; il est aussi le producteur. Il produit la série d'albums classiques du groupe : Emerson, Lake & Palmer (1970), Tarkus (1971), Pictures at an Exhibition (1971), Trilogy (1972) et Brain Salad Surgery (1973). Ce rôle de producteur a parfois créé des tensions créatives, notamment lorsqu'il a initialement rejeté la pièce-titre Tarkus d'Emerson, la qualifiant de simple morceau d'"album solo". Des décennies plus tard, des désaccords sur son rôle de producteur contribueront à la dissolution finale du groupe.   

Carrière solo et héritage

En 1975, en pleine gloire d'ELP, Lake sort son plus grand succès solo, l'éternel "I Believe in Father Christmas". La chanson est souvent mal comprise. Lake a précisé qu'il l'avait écrite "en signe de protestation contre la commercialisation de Noël". Le parolier, son ancien comparse de King Crimson Peter Sinfield, y voyait une complainte sur la perte de l'innocence. La chanson atteint la deuxième place des charts britanniques, son ascension n'étant bloquée que par le mastodonte "Bohemian Rhapsody" de Queen.   

Après la première dissolution d'ELP, il sort deux albums solo, Greg Lake (1981) et Manoeuvres (1983) , tous deux enregistrés avec le guitariste Gary Moore. Il remplace brièvement John Wetton au sein d'Asia  et forme Emerson, Lake & Powell (avec le batteur Cozy Powell).   

En janvier 2016, Greg Lake reçoit le tout premier diplôme honoraire jamais décerné par le Conservatorio "Giuseppe Nicolini" de Piacenza, en Italie, une reconnaissance de sa contribution à la musique. Il décède d'un cancer le 7 décembre 2016 , laissant derrière lui un héritage de pionnier du son et une voix qui résonne encore.   

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