Billy Talbot, né le 23 octobre 1943, est la pierre angulaire, le bassiste fondateur et, avec le batteur Ralph Molina, l'un des deux seuls membres constants du légendaire groupe de rock Crazy Horse. Indissociable de leur collaboration de plus de cinq décennies avec Neil Young, Talbot incarne une philosophie musicale où le "feel" et l'émotion priment sur la virtuosité technique. Son style, d'une simplicité apparente, est en réalité l'ingrédient essentiel qui donne au son iconique et brut du groupe sa puissance tellurique.
Le parcours musical de Billy Talbot a commencé bien avant les guitares saturées de Crazy Horse. À 14 ans, il chantait dans des groupes de doo-wop sur les trottoirs de New York, comme The Cavaliers. Après avoir déménagé à Los Angeles, il a retrouvé d'autres expatriés new-yorkais, Danny Whitten et Ralph Molina, pour former Danny and the Memories. Ce noyau de musiciens, dont la chimie était déjà palpable, a évolué à travers différents noms et styles, passant du doo-wop au folk-rock psychédélique avec le groupe The Rockets. Cette période a forgé les liens profonds et l'intuition musicale partagée qui allaient définir le son de Crazy Horse.
La rencontre décisive avec Neil Young a eu lieu en 1967, alors que ce dernier faisait encore partie de Buffalo Springfield. Sentant une alchimie musicale immédiate, Young a invité Talbot, Molina et Whitten à devenir son groupe d'accompagnement. Rebaptisés Crazy Horse, ils ont enregistré avec lui son deuxième album solo, le séminal Everybody Knows This Is Nowhere (1969). Lors de ces sessions, des classiques comme "Cinnamon Girl", "Down by the River" et "Cowgirl in the Sand" ont été enregistrés avec une énergie brute et une spontanéité qui sont devenues leur marque de fabrique. À travers les décennies et les changements de personnel, le partenariat rythmique de Talbot et Molina est resté le cœur immuable et battant du groupe, une fondation inébranlable pour les explorations sonores de Young.
Analyser le style de Billy Talbot à travers le prisme de la complexité technique serait passer à côté de l'essentiel. Son jeu n'est pas une question de virtuosité, mais de création d'un "son" massif et fondamental. Neil Young lui-même l'a parfaitement décrit : "Billy Talbot est un bassiste massif qui ne joue que deux ou trois notes... Mais quand il frappe une note, cette note parle d'elle-même. C'est une putain de grosse note". Sa technique consiste à poser d'imposantes notes tenues, souvent des noires, qui créent une toile de fond solide et inébranlable sur laquelle les solos de guitare chaotiques et improvisés de Young peuvent se déchaîner.
Une analyse superficielle pourrait qualifier son style de "basique". Cependant, une compréhension plus profonde révèle qu'il s'agit d'un choix artistique délibéré et essentiel. La fondation brute, non polie et spacieuse qu'il crée n'est pas le résultat d'une limitation, mais la condition même qui permet au son de Crazy Horse d'exister. Son refus de jouer des lignes complexes et chargées crée l'espace sonore nécessaire pour que les explorations de guitare de Young puissent s'épanouir sans encombrement. C'est une relation de cause à effet : la philosophie minimaliste de Talbot facilite directement l'éthos sonore maximaliste du groupe. Son style est l'ancre qui permet à "l'ouragan" de la guitare de Young de faire rage sans que le navire ne se brise. Cela recadre sa contribution, la faisant passer d'un soutien passif à un acte créatif actif et indispensable. Son équipement, une fidèle basse Fender Precision de 1966 avec un manche de Telecaster de 1968 et des amplis Fender Showman, reflète cette philosophie : des outils simples, puissants et fiables pour un son colossal.
Billy Talbot a toujours insisté sur le fait que Crazy Horse était un "groupe de garage", pas un "groupe de bar", soulignant leur engagement envers une musique originale, viscérale et basée sur le ressenti. Au-delà de son rôle de bassiste, il est également un auteur-compositeur, comme en témoigne son travail avec le Billy Talbot Band et le groupe Wolves, qui révèle d'autres facettes de sa musicalité. Son héritage est celui d'une icône de l'authenticité dans le rock, un musicien dont l'influence ne réside pas dans le nombre de notes qu'il joue, mais dans la puissance et l'émotion immenses qu'il transmet avec chacune d'entre elles.
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