
La Quête du Saint-Graal Synthétique
Pour de nombreux bassistes, la recherche de sons de synthétiseur authentiques a longtemps été une quête semée d'embûches. L'alternative à l'apprentissage du clavier a souvent consisté à bricoler des chaînes d'effets complexes, comme la fameuse combinaison d'une basse fretless, d'une pédale d'octave et d'un filtre d'enveloppe, une technique popularisée par des icônes telles que Pino Palladino. Cette approche, bien que créative, a ses limites. Il est donc crucial de clarifier une confusion fréquente : la différence entre une pédale d'octave et une véritable pédale de synthétiseur. Un octaver, même un modèle aussi polyvalent que la
MXR M288 Bass Octave Deluxe, se contente de générer une ou plusieurs octaves à partir de la note jouée. Bien que son circuit "Growl" puisse évoquer une texture synthétique, il ne s'agit pas d'une véritable synthèse sonore. La
MXR Bass Synth (MB301), en revanche, est une machine entièrement différente. Il ne s'agit pas de dupliquer une note, mais de créer une nouvelle forme d'onde à partir de zéro, un véritable moteur de synthèse dédié à la basse.
Annoncée autour du 1er juillet 2025, la MB301 a immédiatement créé un buzz considérable dans la communauté des bassistes. Conçue pour transformer la basse en une "filthy funk machine" (une machine à funk crasseuse), elle promet de recréer les sons de clavier emblématiques qui ont défini les tubes de Stevie Wonder, Michael Jackson ou encore Parliament Funkadelic. La clé de voûte de ce projet est la collaboration étroite avec Ian Martin Allison (IMA). Loin d'être un simple nom apposé sur la boîte, IMA est un "low-end professor and tone connoisseur" (un professeur des basses fréquences et un connaisseur du son) dont l'expertise dans la recréation de sons de synthé classiques à l'aide de pédales a directement influencé la conception de la MB301. Son implication n'est pas anecdotique ; elle est la garantie que la pédale a été pensée pour résoudre des problèmes concrets rencontrés par les musiciens, notamment en matière de fiabilité du suivi de note (tracking) et de latence.
Cette collaboration est d'ailleurs la cause directe de la double nature de la pédale. D'une part, Ian Martin Allison est réputé pour sa capacité à reproduire des sons de synthé complexes et reconnaissables. Il était donc logique que les presets d'usine de la MB301 soient basés sur ses propres recréations de ces sons célèbres, offrant ainsi une porte d'entrée incroyablement accessible pour les musiciens moins familiers avec les arcanes de la synthèse. D'autre part, son exigence en tant que musicien professionnel, qui a déclaré avoir travaillé sans relâche sur chaque paramètre pour atteindre la perfection, a conduit à l'intégration d'une couche de réglages avancés et cachés. Cette dualité (sons iconiques prêts à l'emploi et contrôle total pour les plus exigeants) est le fruit de cette collaboration. Par conséquent, en se positionnant comme une pédale "par un joueur, pour les joueurs", MXR établit un contraste narratif fort avec ses concurrents. La MB301 n'est ni une "usine à gaz" qui nécessite un ordinateur pour être pleinement exploitée, à l'image de la Source Audio C4 , ni une simple boîte à sons polyphonique mais dépourvue de mémoire, comme la Boss SY-1. Elle vise un juste milieu, un "sweet spot" de musicalité et de praticité, taillé sur mesure pour le musicien de scène.
L'Expérience "Plug-and-Funk"
L'expérience utilisateur initiale avec la MXR Bass Synth commence par une impression de familiarité et de robustesse. La pédale est logée dans le boîtier métallique compact et éprouvé de MXR, un format idéal pour s'intégrer sans peine sur un pedalboard déjà bien rempli. L'agencement des contrôles est d'une clarté exemplaire : six potentiomètres principaux aux couleurs distinctes, deux boutons-poussoirs en partie supérieure, et un bouton dédié à la sélection des presets en bas, à côté du footswitch.
C'est ici que réside le cœur de l'expérience "plug-and-play" : les huit presets d'usine. Conçus par Ian Martin Allison lui-même, ils constituent une rampe de lancement créative immédiate. Le passage d'un preset à l'autre se fait de manière intuitive via le bouton "PRESETS", sans avoir à naviguer dans des menus complexes. Des utilisateurs rapportent un plaisir instantané, décrivant la pédale comme étant "fun right out of the box" (amusante dès la sortie de la boîte). Les presets sont jugés "bons" et "utilisables", ce qui représente un avantage considérable par rapport à des concurrents comme la Future Impact V4, dont les presets d'usine sont souvent considérés comme peu exploitables en contexte de groupe.
L'attrait principal de ces presets réside dans leurs inspirations iconiques, qui constituent un argument de vente majeur. Les sources s'accordent sur le fait que la pédale cherche à émuler une large palette de sons célèbres. On y retrouve par exemple le son de synthé basse de "Thriller" de Michael Jackson , les textures funk de "Chameleon" de Herbie Hancock , et le son du Minimoog de "Flashlight" de Parliament Funkadelic. La pédale s'aventure aussi dans des territoires plus rock avec la ligne de basse octavée de Tony Levin sur "Sledgehammer" de Peter Gabriel et l'agressivité de "Head Like a Hole" de Nine Inch Nails. Les influences ne s'arrêtent pas là, puisqu'elle explore également les sonorités du synthétiseur TONTO utilisées par Stevie Wonder et propose des patches plus modernes inspirés par des artistes comme Deadmau5 ou Björk.
Ces presets ne doivent pas être vus comme de simples "sons", mais plutôt comme des "solutions". Pour un bassiste jouant dans un groupe de reprises, la possibilité de couvrir instantanément des titres comme "Thriller" ou "Sledgehammer" sans passer des heures à programmer un son est un atout pragmatique et un gain de temps considérable. La programmation de synthétiseurs est une compétence à part entière, souvent complexe et chronophage. En fournissant des sons "clés en main" basés sur des succès planétaires, MXR résout un problème concret et rend la pédale immédiatement rentable pour un large segment de musiciens. Il convient toutefois de nuancer ce point : certains tests rapportent que les presets ne sont pas toujours des répliques parfaites des originaux. Loin d'être un défaut, cette caractéristique renforce l'idée que ces presets sont avant tout des points de départ. Ils invitent l'utilisateur à se saisir des contrôles de la pédale pour affiner le son à son goût, agissant comme un tutoriel implicite qui encourage l'exploration des fonctions plus profondes de la machine.
Les Contrôles de Surface
Pour sculpter son propre son, la MXR Bass Synth propose une interface directe et intuitive qui s'articule autour de six potentiomètres principaux et de deux boutons de voicing. La disposition de ces contrôles n'est pas anodine : elle suit la logique d'un synthétiseur analogique soustractif classique, ce qui la rend familière pour les initiés et constitue un excellent outil pédagogique pour les novices. Le flux du signal part d'une forme d'onde brute (choisie avec SHAPE), passe par un filtre qui en sculpte le timbre (CUTOFF, RESONANCE), puis est animé par des modulations (ENVELOPE, MOD).
Les Potentiomètres de Mix (couleur orange)
Ces deux contrôles gèrent l'équilibre entre votre son de basse naturel et l'effet de synthèse. Le premier, MIX, est essentiel pour doser la balance entre le signal "dry" (votre basse non affectée) et le signal "synth" (le son synthétisé). Tourné à fond à gauche, vous n'entendez que le synthé ; à droite, vous retrouvez votre son de basse. Le réglage intermédiaire permet de superposer les deux, ce qui est crucial pour conserver une assise solide dans les graves et ne pas se perdre dans le mix. Le second,
SUB MIX, est indépendant du MIX et règle le volume du signal de sub-octave généré par le synthétiseur. Il permet d'ajouter du poids, de la profondeur et un grondement supplémentaire à votre son, pour des lignes de basse massives.
Les Potentiomètres de Filtre et Modulation (couleur bleue)
Ce quatuor de potentiomètres constitue le cœur de la sculpture sonore. Le potentiomètre CUTOFF définit la fréquence de coupure du filtre passe-bas (low-pass filter) à 4 pôles, ce qui en fait le contrôle le plus important pour le caractère global du son. Un réglage bas donnera un son sombre et doux, tandis qu'un réglage élevé produira un son brillant et agressif. Le bouton
RESONANCE accentue le gain à cette fréquence de coupure, rendant le son plus pointu et expressif à mesure qu'on l'augmente, pour des balayages de filtre marqués. De son côté,
ENVELOPE contrôle la vitesse d'attaque et de déclin de l'enveloppe de filtre. Des réglages bas offrent une réponse rapide et percussive, tandis que des réglages élevés créent des balayages lents et progressifs. Enfin,
MOD ajoute une modulation cyclique au son via un LFO (Low-Frequency Oscillator), permettant de passer d'un mouvement subtil à des pulsations rythmiques intenses.
Les Boutons de Voicing
Ces deux boutons changent radicalement la source sonore de base. Le bouton SHAPE sélectionne la forme d'onde de l'oscillateur principal, qui est le matériau brut de votre son. Il propose trois options : la forme d'onde
Triangle produit un son doux et pur , la
Sawtooth (Dent de scie) offre un son riche et agressif , et la
Square (Carrée) génère un son percussif et creux, souvent décrit comme "caoutchouteux" ("rubbery punch"). Le second bouton,
VOICE, active des oscillateurs supplémentaires accordés harmoniquement par rapport à la note principale. Le résultat est un son plus complexe et plus riche, souvent perçu comme l'ajout d'une octave supérieure chatoyante qui épaissit le timbre.
Les Fonctions Cachées
Si les contrôles de surface offrent déjà une palette sonore étendue, la véritable profondeur de la MXR Bass Synth se révèle dans ses fonctions secondaires. La pédale cache en réalité 12 paramètres supplémentaires, accessibles via un mécanisme simple mais ingénieux : il suffit de maintenir enfoncé l'un des deux boutons supérieurs (VOICE ou SHAPE) tout en tournant l'un des six potentiomètres principaux. Cette conception intelligente sépare l'expérimentation créative de la configuration de base, rendant l'exploration sonore moins intimidante. Les fonctions accessibles via le bouton
VOICE sont généralement liées au patch sonore lui-même et peuvent être contrôlées par une pédale d'expression, tandis que celles sous le bouton SHAPE sont plutôt des réglages utilitaires ou globaux.
Fonctions Secondaires (via le bouton VOICE)
Ces paramètres affectent directement la texture et le comportement du son synthétisé et peuvent être sauvegardés avec un preset et contrôlés par une pédale d'expression. En maintenant le bouton
VOICE, le potentiomètre MIX devient VOICE MIX et règle le volume des oscillateurs additionnels. SUB MIX se transforme en NOISE MIX pour ajouter un signal de bruit blanc, idéal pour des sons plus sales ou industriels. CUTOFF devient FILTER ENVELOPE AMOUNT et contrôle l'intensité et la direction (ascendante ou descendante) de l'enveloppe de filtre, permettant de créer des effets de "ducking". RESONANCE se change en GLIDE (PORTAMENTO) pour régler le temps de glissement entre deux notes consécutives, créant un effet legato fluide. ENVELOPE devient AMPLITUDE ATTACK TIME pour contrôler le temps d'attaque du volume de la note (et non plus du filtre), parfait pour des sons qui apparaissent progressivement. Enfin, MOD se transforme en MOD BLEND pour mixer différentes sources ou destinations de modulation pour des effets plus complexes.
Fonctions Tertiaires (via le bouton SHAPE)
Ces paramètres sont des réglages plus techniques, souvent globaux, qui configurent le comportement de la pédale et ne peuvent pas être contrôlés par une pédale d'expression. En maintenant le bouton
SHAPE, le potentiomètre MIX devient COMPRESSION pour régler la sensibilité à la vélocité, c'est-à-dire la réaction à la force de votre attaque. SUB MIX se transforme en OUTPUT GAIN pour ajuster le volume de sortie général de la pédale. CUTOFF devient GATE SENSITIVITY pour régler la sensibilité du noise gate interne. RESONANCE se change en TRACKING MODE, une fonction cruciale qui permet d'optimiser le suivi de note pour différents instruments comme une basse 4 ou 5 cordes, ou même une guitare électrique.
ENVELOPE devient DRY THRU FX pour déterminer si votre signal "dry" est affecté par les sections de filtre et de modulation. Enfin, MOD se transforme en OUTPUT MODE pour configurer la sortie physique de la pédale pour un usage mono, stéréo, ou avec des signaux "wet" et "dry" séparés.
Cette richesse cachée assure une longévité exceptionnelle à la pédale. Un utilisateur peut passer des mois à explorer les contrôles de surface avant de découvrir un tout nouvel univers de possibilités, justifiant ainsi son investissement sur le long terme. Le "rabbit hole" (le terrier du lapin) n'est pas un défaut, mais une caractéristique fondamentale qui invite à une exploration sonore continue.
Le Verdict Sonore
L'évaluation d'une pédale de synthé pour basse repose sur des critères impitoyables : la qualité du suivi de note, la musicalité des sons produits et les contraintes pratiques d'utilisation. Sur ces points, la MXR Bass Synth fait l'objet d'un consensus remarquablement positif, tout en présentant des exigences claires.
Le suivi de note, ou "tracking", est le talon d'Achille de nombreuses pédales de synthé. C'est sur ce point que la MB301 se distingue de manière spectaculaire. Les retours sont quasi unanimes : le tracking est qualifié de "killer" (tueur) , "incroyable" , "super usable" (très utilisable) et "confiant". La pédale est capable de suivre avec une grande précision les nuances de jeu les plus subtiles, comme le vibrato ou les glissandos, sans décrocher. Cette fiabilité est un argument de vente majeur qui la place au-dessus de concurrents souvent critiqués sur ce même critère. Cette excellence est très probablement le résultat direct d'un choix de conception fondamental : en concentrant toute la puissance de traitement sur une seule note à la fois, les ingénieurs de MXR ont pu atteindre un niveau de vitesse et de précision que les pédales polyphoniques peinent souvent à égaler. Le choix de la monophonie n'est donc pas une limitation, mais une décision délibérée pour exceller sur le critère le plus vital pour une ligne de basse.
La Contrainte Monophonique
La contrepartie de ce tracking exceptionnel est que la pédale est strictement monophonique. Elle ne peut traiter qu'une seule note à la fois. L'implication pratique est directe : le jeu du bassiste doit être d'une propreté irréprochable. Le moindre chevauchement de notes ou la moindre résonance parasite d'une corde à vide peut faire "glitcher" le synthétiseur et produire des artefacts sonores indésirables. L'utilisation de la MB301 n'est donc pas neutre ; elle exige une technique de jeu précise et maîtrisée, notamment dans le contrôle des étouffements de cordes. C'est une compétence à développer pour exploiter la pédale à son plein potentiel.
Après une analyse approfondie, la MXR Bass Synth (MB301) s'impose comme une proposition unique et remarquablement bien pensée sur le marché saturé des effets pour basse. Elle n'est pas une pédale qui essaie de tout faire, mais elle excelle dans le domaine qu'elle s'est choisi : la production de sons de synthétiseur monophoniques authentiques, fiables et musicaux.
Ses points forts sont indéniables. La qualité sonore et le potentiel créatif sont immenses, portés par un moteur de synthèse qui allie des textures analogiques chaleureuses à une agressivité moderne. Son tracking monophonique est tout simplement exceptionnel, offrant une fiabilité et une expressivité que peu de concurrents peuvent égaler. Enfin, son design intelligent, fruit de la collaboration avec Ian Martin Allison, trouve un équilibre parfait entre la simplicité d'utilisation, grâce à des presets iconiques immédiatement exploitables, et une profondeur de réglage stupéfiante pour ceux qui souhaitent sculpter leur propre son.
Cependant, la pédale a des exigences claires. Sa nature strictement monophonique impose un jeu d'une grande propreté, ce qui peut représenter une courbe d'apprentissage pour certains bassistes. De plus, sa consommation électrique élevée (330mA) et sa sensibilité au bruit en cas d'alimentation partagée rendent l'utilisation d'un bloc d'alimentation avec des sorties isolées quasi indispensable. Enfin, maîtriser l'ensemble de ses 18 paramètres demande du temps et de la dédication.
En définitive, la MXR Bass Synth s'adresse à plusieurs profils de musiciens. Pour le musicien de cover band, c'est un véritable "gamechanger" grâce à la possibilité de recréer instantanément les sons de tubes planétaires. Pour le créateur et le musicien de studio, c'est un outil formidable dont la profondeur des réglages offre un terrain de jeu quasi infini pour des lignes de basse uniques, avec une approche plus directe et "hands-on" que la Source Audio C4 qui peut favoriser la créativité spontanée. Pour le débutant en effets, elle constitue un excellent point de départ, car les presets permettent de s'amuser immédiatement tandis que sa complexité cachée lui permettra de grandir avec le musicien. En revanche, pour le bassiste qui a besoin de jouer des accords, ce n'est pas le bon choix ; il devra se tourner vers des alternatives polyphoniques comme la Boss SY-1 ou la Source Audio C4.
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