Digitech Bass Whammy, ça pitche à toc !

Publié le 7 août 2025 à 08:47

Depuis son apparition, cette pédale est devenue bien plus qu'un simple processeur de pitch-shifting ; elle est un véritable phénomène, un "game-changer" qui a redéfini les possibilités sonores pour des générations de musiciens. Cependant, pendant que les guitaristes exploraient des sauts d'octave vertigineux et des bends synthétiques, la communauté des bassistes regardait souvent avec envie, désirant un outil de la même trempe, mais optimisé pour les fréquences graves. La DigiTech Bass Whammy est la réponse à cette attente, un instrument de libération créative qui permet aux bassistes de transcender leur rôle traditionnel et d'explorer de nouveaux horizons sonores.

L'histoire de la Bass Whammy est celle d'un classique culte ressuscité. Le modèle original des années 90, bien qu'apprécié par une niche de musiciens avant-gardistes, fut finalement discontinué, tombant dans ce que l'on pourrait appeler les "limbes des prêteurs sur gages". Cette rareté, combinée à son utilisation par des artistes influents, a provoqué une flambée de son prix sur le marché de l'occasion, la transformant en un objet de convoitise, coûteux et difficile à trouver. La réédition de 2014 n'était donc pas une simple mise à jour, mais une réponse directe et attendue à une demande insistante des musiciens, promettant de capturer les bizarreries attachantes de l'originale tout en y intégrant les avancées technologiques modernes.

Ce parcours illustre une tendance plus large dans l'industrie des équipements musicaux : le phénomène de la "réédition vintage". Le cycle est bien connu : un produit est discontinué, sa légende grandit grâce à son utilisation par des artistes emblématiques et sa rareté sur le marché secondaire, faisant grimper sa valeur. Finalement, la demande devient si forte que le fabricant est incité à le réintroduire. L'histoire de la Bass Whammy, propulsée au statut d'icône par des bassistes comme Justin Chancellor de Tool, est un cas d'école parfait de la manière dont la culture des musiciens et l'économie du marché de l'occasion peuvent directement influencer la stratégie de production d'un grand fabricant. La "mort" commerciale de la pédale originale a paradoxalement cimenté sa légende, rendant sa renaissance non seulement souhaitable, mais aussi profitable.

Des Origines de la Whammy à la Spécialisation Basse

Pour comprendre la Bass Whammy, il faut remonter aux racines de son fabricant, DigiTech. Née de la société mère DOD, un acteur majeur de "l'âge d'or des effets" analogiques dans les années 1970, DigiTech a été fondée avec une vision claire : mener la révolution numérique.10 Alors que DOD consolidait son héritage dans le domaine de l'analogique, les ingénieurs de DigiTech travaillaient en secret pour repousser les limites du traitement numérique du signal (DSP), une fascination qui a abouti à la création du premier véritable processeur multi-effets de l'industrie, le DSP-128.

C'est dans ce contexte d'innovation ciblée qu'est née la première Whammy (modèle WH-1) en 1989. Ce n'était pas un accident, mais l'aboutissement d'un effort de recherche et développement concentré. En tant que premier pitch-shifter numérique de masse contrôlé par une pédale d'expression, elle a constitué une véritable révolution. Son algorithme de détection de hauteur, sous licence d'IVL Technologies, a permis des manipulations sonores jusqu'alors impossibles. Très vite, des guitaristes comme Tom Morello de Rage Against the Machine et Jonny Greenwood de Radiohead l'ont adoptée, non pas malgré ses imperfections, mais souvent pour elles.

En effet, un aspect fondamental de l'identité de la Whammy est né d'une limitation technique. Les premiers modèles étaient monophoniques, ce qui signifie qu'ils ne pouvaient suivre qu'une seule note à la fois avec précision. Jouer des accords produisait des artefacts sonores "étranges et artificiels", un "gazouillis" distinctif que les critiques décrivaient comme un "warble". Pour un ingénieur, cela pouvait être considéré comme un défaut. Pour un artiste expérimental, c'était une aubaine. Jonny Greenwood, par exemple, a exploité ce suivi imprécis des accords pour créer des sons "glitchy, lo-fi" qui sont devenus une part iconique de sa palette sonore. Cette imperfection est devenue une caractéristique si célébrée que lorsque DigiTech a développé des algorithmes polyphoniques plus avancés, la société a fait le choix crucial de conserver le son original. La solution fut l'intégration d'un interrupteur "Classic/Chords", un témoignage puissant de la façon dont l'usage créatif par les musiciens peut redéfinir l'essence même d'un produit. Le "glitch" n'était plus un bug, mais une fonctionnalité commercialisable.

Au milieu des années 90, parallèlement à la sortie de la Whammy II, DigiTech a lancé la première Bass Whammy. Décrite comme une "Whammy 1 dépouillée et accordée pour la basse", elle était spécifiquement optimisée pour les fréquences graves. Ses ventes initiales furent modestes, mais elle a rapidement acquis un statut culte, en grande partie grâce à son adoption par Justin Chancellor de Tool, dont le son est devenu indissociable de la pédale. Après sa discontinuation, la demande a explosé, menant à sa renaissance très attendue au NAMM de 2014. Cette nouvelle version, disponible au public vers mars/juin 2014, intégrait des améliorations majeures comme le true bypass, le contrôle MIDI et le fameux suivi polyphonique, tout en préservant l'âme de l'originale. Des mises à jour mineures ont même suivi, avec des versions V-01 et V-02 qui semblent fonctionnellement identiques.

Anatomie de la Bass Whammy

La version moderne de la DigiTech Bass Whammy est une machine conçue pour la performance et la durabilité. Son châssis entièrement métallique est robuste et imposant, conçu pour résister aux rigueurs de la scène. La pédale arbore une finition bleue distinctive. La pédale d'expression, dotée d'une surface en caoutchouc antidérapante, offre un mouvement à la fois ferme et fluide, permettant un contrôle nuancé. L'interface utilisateur est intuitive, centrée autour d'un large sélecteur rotatif pour choisir les effets. L'interrupteur au pied, désormais en métal robuste, constitue une amélioration notable par rapport à celui en plastique de l'original.

Au cœur de la pédale se trouve un puissant microprocesseur DSP qui exécute des algorithmes de détection de hauteur de note avancés. La qualité audio est assurée par une conversion analogique-numérique et numérique-analogique de 24 bits et un taux d'échantillonnage de 44.1 kHz, des spécifications de niveau studio qui garantissent une reproduction fidèle du signal.

La caractéristique la plus importante de cette nouvelle version est sans doute le mini-interrupteur "Classic/Chords". Ce contrôle permet de basculer entre deux mondes sonores :

  • Mode Classic : Ce mode monophonique reproduit fidèlement les "sons délicieusement glitchy de la Bass Whammy originale". C'est le mode de prédilection pour ceux qui recherchent les artefacts et le caractère qui ont fait la légende de la première version.

  • Mode Chords : Ce mode active un algorithme polyphonique moderne, offrant un suivi précis et fluide même lors du jeu d'accords complexes, pour un effet de pitch-shifting plus propre et naturel.

En termes de connectivité, la pédale est équipée d'une entrée instrument standard de 1/4 de pouce et d'une seule sortie de 1/4 de pouce, remplaçant les sorties "wet" et "dry" séparées de l'originale. L'ajout crucial est une entrée MIDI à 5 broches, qui ouvre la porte au contrôle externe par des séquenceurs ou d'autres appareils, une fonctionnalité essentielle pour les configurations de scène complexes. Enfin, la pédale est alimentée par une alimentation standard de 9V DC à centre négatif et dispose d'un circuit de true bypass, garantissant que le son de l'instrument n'est pas altéré lorsque l'effet est désactivé, une amélioration significative par rapport aux anciens modèles qui pouvaient colorer le signal.

Au-delà de ses spécifications techniques, la véritable magie de la Bass Whammy réside dans sa palette sonore. La réédition moderne est saluée pour son tracking "impeccable" et "sans faille", même sur la corde de Si grave d'une basse à 5 ou 6 cordes, une amélioration considérable par rapport aux modèles plus anciens. Les sons produits sont décrits comme "stupéfiants" et offrent une polyvalence qui va bien au-delà d'un simple effet de pitch-shifting. En réalité, la Bass Whammy se révèle être une pédale multi-effets déguisée, offrant au moins trois types d'effets distincts.

Mode Whammy

C'est le cœur de la pédale, produisant un signal 100% traité (wet) sans le son original de l'instrument. La pédale d'expression contrôle la hauteur du son, qui passe de la note d'origine (talon en bas) à l'intervalle sélectionné (pointe en bas). La gamme d'intervalles est vaste, s'étendant de deux octaves vers le haut à deux octaves vers le bas, en passant par des secondes, des quartes et des quintes. Le réglage le plus extrême est le fameux "Dive Bomb", qui fait chuter la hauteur de trois octaves, créant un effet sonore spectaculaire rappelant un disque vinyle qui ralentit jusqu'à l'arrêt. Il est à noter que le réglage le plus aigu (2 octaves vers le haut) peut parfois avoir du mal à suivre la note et produire un son plus fin, il est donc à utiliser avec parcimonie.

Mode Harmony

Ce mode mélange le signal traité avec le signal original (dry), qui reste constant. Ici, la pédale d'expression ne modifie que la note de l'harmonie, la faisant glisser entre deux intervalles prédéfinis pendant que la note fondamentale jouée par le bassiste reste stable. Cette fonction transforme la Whammy en un harmoniseur intelligent et sophistiqué. Les options d'harmonie sont variées, comme un balayage d'une quinte juste à une octave au-dessus, ou d'une octave en dessous à une octave au-dessus.21 La réédition a introduit un intervalle de dixième très apprécié. Ce mode permet des applications musicales complexes, comme l'imitation de nappes de clavier ou de phrasés de pedal-steel guitar, où une note de basse est tenue tandis qu'une harmonie se déplace mélodiquement.

Mode Detune

Souvent décrit comme une "arme secrète" ou un "joli bonus", le mode Detune est en fait un effet de chorus de haute qualité. Il fonctionne en créant une copie du signal, en la désaccordant légèrement ("Shallow") ou de manière plus prononcée ("Deep"), puis en la mélangeant avec le signal original. La pédale d'expression contrôle le niveau de l'effet, allant d'un son complètement sec (talon en bas) à un chorus riche et luxuriant (pointe en bas). Pour de nombreux utilisateurs, la qualité de ce mode est telle qu'il peut aisément remplacer une pédale de chorus dédiée sur un pedalboard.

Cette triple fonctionnalité — pitch bender, harmoniseur intelligent et chorus — confère à la Bass Whammy une valeur et une utilité bien supérieures à sa fonction première. Loin d'être le "gadget à un seul tour" que certains critiques décrivent, elle se positionne comme une boîte à outils sonore polyvalente, un véritable centre de créativité qui justifie pleinement sa taille et son prix.

La Bass Whammy en Action : Artistes et Morceaux Emblématiques

La technologie ne prend vie que lorsqu'elle est mise au service de l'art. La Bass Whammy a été adoptée par une cohorte de bassistes visionnaires qui l'ont utilisée pour sculpter des sons signatures et repousser les frontières de leur instrument.

L'utilisateur le plus emblématique et influent est sans conteste Justin Chancellor de Tool. Son utilisation du modèle original des années 90 est légendaire et a largement contribué à forger le statut culte de la pédale. Il l'emploie pour des "dive bombs atmosphériques" et pour créer des riffs mélodiques et rythmiques complexes qui sont au cœur du son de Tool. D'autres pionniers comme

Doug Wimbish de Living Colour sont également connus pour leur utilisation brillante et créative de la Whammy originale en concert.

Dans un registre plus moderne, Juan Alderete (The Mars Volta, Marilyn Manson) démontre une utilisation technique avancée en plaçant la Whammy à la fin de sa chaîne d'effets pour transposer des sons complexes déjà traités, une preuve de l'excellent tracking de la pédale. La polyvalence de la pédale est attestée par sa présence sur les pedalboards d'artistes de genres très variés :

Troy Sanders (Mastodon), Brian Cook (Russian Circles), Debbie Googe (My Bloody Valentine), Jeff Ament (Pearl Jam), et même la légende du funk Bootsy Collins.

Plus récemment, des musiciens comme Kristian Dunn du duo El Ten Eleven ont inspiré une nouvelle génération de bassistes avec leur utilisation de la Whammy pour créer des boucles mélodiques et changer la tonalité en temps réel.3 Enfin, le virtuose funk

MonoNeon, collaborateur de Prince, a une approche si distinctive qu'elle a mené à la création de son propre modèle signature, avec des fonctionnalités uniques.

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Caractéristiques : 

  • 2 modes: "Classic" et "Chord" (polyphonique)
  • Entrée MIDI pour options de contrôle
  • 21 programmes
  • True Bypass
  • Dimensions: 197 x 165 x 63 mm
  • Bloc d'alimentation 9V DC incl.
Digitech Bass Whammy Manual French
Digitech Bass Whammy Quick Start Guide

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