
L'arrivée d'un nouveau musicien dans un groupe emblématique est un événement qui signale bien plus qu'un simple changement de personnel. Pour le groupe de rock CKY, l'annonce de l'arrivée du bassiste Mike Leon en juillet 2025 a marqué l'ouverture d'un nouveau chapitre, promettant une évolution artistique et une stabilité longtemps recherchée.
Mike Leon, de son nom complet Michael Joseph Leon, est le bassiste actuel de CKY. Sa transition a été rapide : après avoir quitté le groupe Soulfly en avril 2025 pour « poursuivre d'autres opportunités », il a rejoint CKY seulement trois mois plus tard. Son intégration s'est faite sur les chapeaux de roue, son premier concert avec le groupe ayant eu lieu le même mois lors du Vans Warped Tour. Cet événement est d'autant plus significatif que Leon a déclaré avoir été un fan de longue date du groupe avant même de les rejoindre. Ce qui suit est un portrait méticuleux de l'homme derrière la basse, de ses influences formatrices à l'équipement qui définit son son, tout en replaçant son rôle dans le contexte d'une bande au passé marqué par une succession de talents.
Des Influences Classiques au Métal Agressif
Le parcours de Mike Leon est loin d'être conventionnel pour un musicien de métal. Sa formation musicale a commencé de manière formelle et classique : il a d'abord appris le violon à l'école, tout en chantant dans une chorale. Cette approche initiale de la musique lui a fourni une compréhension fondamentale de la théorie musicale et de la lecture de partitions, des compétences qui, bien que rarement associées au métal, ont sans aucun doute contribué à son sens mélodique et à sa créativité technique.
Le tournant décisif est survenu lorsqu'il a découvert Metallica, un événement qui a immédiatement déplacé son attention vers le rock et le métal. Il a d'abord pris une guitare acoustique, jouant avec ses doigts, avant que son père ne lui suggère d'essayer la basse. À l'âge de 10 ans, il a acquis sa première basse et n'a plus jamais regardé en arrière. Son développement en tant que bassiste a été nourri par un éventail d'influences remarquablement diversifiées. Son panthéon personnel comprend des légendes du métal comme Cliff Burton (Metallica), Steve Harris (Iron Maiden) et David Ellefson (Megadeth), dont les lignes de basse rapides et mélodiques sont des piliers du genre.
Mais il ne s'est pas arrêté là. Il a également puisé son inspiration chez des artistes aux antipodes du métal, comme Flea des Red Hot Chili Peppers, dont le jeu slap et pop percussif est mondialement reconnu. L'influence de Justin Chancellor (Tool), un maître du métal progressif connu pour ses lignes de basse complexes et texturales, a également été déterminante.1Enfin, il a un respect particulier pour Bakithi Kumalo, le bassiste de Paul Simon sur l'album Graceland, dont le jeu à la basse fretless l'a intrigué au point qu'il pensait que l'instrument était un cor. L'éclectisme de ces influences musicales est un facteur qui a permis à Leon de développer une grande polyvalence stylistique. Il n'est pas limité à un seul sous-genre de métal, mais est capable de naviguer entre le thrash, le groove, le death metal mélodique et le rock alternatif, ce qui explique sa capacité à passer d'un groupe à l'autre avec aisance. Ses fondations classiques et son exploration d'une multitude de genres ont fait de lui un musicien multidimensionnel dont l'approche est bien plus sophistiquée que celle d'un simple bassiste de métal.
Chronique des Engagements Durables
Le parcours de Mike Leon avant de rejoindre CKY est marqué par une série d'engagements significatifs, dont la durée témoigne de sa fiabilité et de sa volonté de s'investir dans le long terme. Ce modèle de stabilité professionnelle contraste fortement avec l'histoire des bassistes de CKY, faisant de son arrivée un événement d'autant plus important.
Sa première contribution majeure a été avec The Absence, un groupe de death metal mélodique de Tampa, en Floride. Il a été un membre de la formation de 2007 à 2021, une décennie et demie qui a cimenté son rôle en tant que musicien dévoué et ancre du groupe. Cependant, sa séparation avec The Absence n'a pas été sans heurts. Il a publiquement déclaré que son départ n'était "pas du tout à l'amiable", qualifiant le groupe de "navire en perdition" et affirmant avoir investi d'innombrables heures et de l'argent dans ce qu'il pensait être un objectif commun. Cette sortie mouvementée montre que, malgré sa longévité, sa carrière n'a pas été sans friction.
En 2013, il a rejoint le groupe de thrash metal Havok, qu'il avait déjà soutenu avec The Absence. Il a joué sur leur album Unnatural Selection la même année, avant de quitter le groupe en 2015 pour rejoindre Soulfly.
Son passage le plus marquant est sans doute sa décennie avec Soulfly, une période qui a défini sa stature dans la scène du métal international. De 2015 à 2025, il a été le bassiste de la formation, contribuant à deux de leurs albums studio, Ritual (2018) et Totem (2022). Son départ en avril 2025 a été un tournant, car il a quitté le groupe pour "poursuivre d'autres opportunités", une décision qui a directement précédé son arrivée chez CKY. Cette longue période avec Soulfly démontre son engagement indéfectible et son rôle de pilier dans un groupe de renom.
Parallèlement à son travail avec Soulfly, il a également participé au projet parallèle de Max et Igor Cavalera, Cavalera Conspiracy (maintenant connu sous le nom de Cavalera).1 Il a joué avec eux à plusieurs reprises, en 2017, 2018-2019 et 2022. Ces participations occasionnelles témoignent de sa présence constante et de sa capacité à naviguer entre différents projets de haut niveau au sein du même genre.
La durée de ses engagements, notamment ses 14 ans avec The Absence et ses 10 ans avec Soulfly, révèle un modèle de stabilité professionnelle qui a une importance capitale dans le contexte de CKY. Mike Leon n'est pas un musicien qui passe d'un groupe à l'autre ; il s'investit sur le long terme. Cette caractéristique positionne son arrivée comme une potentielle fin aux années d'incertitude que CKY a connues à la basse.
La Basse Signature : La ESP LTD MLB-4
La pièce maîtresse de son équipement est sa basse signature, la ESP LTD MLB-4, qu'il utilise également avec Soulfly. C'est un instrument méticuleusement conçu pour la performance, dont chaque spécification est un reflet de ses besoins. Son corps en frêne des marais (swamp ash) a été choisi pour son "grondement puissant et médium" et son sustain durable. La lutherie est pensée pour la stabilité et la jouabilité : un manche en cinq pièces de wengé et de purpleheart avec une construction
neck-through et une touche en ébène avec 24 frettes.
Le cœur de son son réside dans les micros. La basse est équipée de deux micros humbucking Nordstrand Big Split, qui offrent un son de type "P/J" avec une puissance et une définition accrues, tout en éliminant les interférences sonores. Un préampli actif avec un égaliseur à trois bandes lui permet de sculpter son son avec précision, de l'adapter à n'importe quel contexte musical.
La Chaîne du Signal : Amplis et Pédales
Le reste de sa chaîne du signal complète son approche sonore. Il utilise des têtes d'ampli Peavey Mini-Mega et des baffles VB 8x10 pour son amplification. Son pedalboard est tout aussi important, car il est le théâtre de ses manipulations sonores.
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Darkglass B7kV2: Ce préampli est son "arme secrète" pour obtenir une distorsion agressive et articulée, un son signature du métal moderne.
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DigiTech Drop: Une pédale essentielle qui lui permet de modifier numériquement l'accordage de sa basse, facilitant les changements de tonalité en live sans avoir besoin de plusieurs instruments. Il peut ainsi passer d'un accordage en B standard à un accordage en A d'une simple pression.
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PolyTune: Un accordeur qui permet d'accorder toutes les cordes simultanément, un avantage crucial entre les chansons.
Cette sélection de matériel est une déclaration sonore en soi. La basse signature est conçue pour des "tonalités à fort impact", et les pédales Darkglass sont des piliers de la distorsion pour le métal contemporain. Ce choix d'équipement lourd et moderne suggère que l'arrivée de Leon n'est pas seulement une question de remplacement, mais un virage délibéré vers un son plus puissant et plus technique pour CKY.
Style et Technique de Jeu
Le jeu de Mike Leon est un mélange unique de discipline technique et d'agression brute. Une des premières choses à noter est sa préférence pour le jeu aux doigts. Il a ouvertement reconnu avoir "du mal avec un médiator" et a toujours abordé l'instrument de cette manière. Cette approche est un héritage direct de sa formation musicale initiale, qu'il s'agisse de la guitare acoustique ou du violon.
Ce qui distingue véritablement son jeu de celui de ses prédécesseurs chez CKY est son utilisation du slapping et du popping, une technique qu'il utilise "tout le temps" pour son "attaque" unique. Il est l'un des rares bassistes de la scène métal extrême à intégrer ces techniques dans son jeu, ce qui lui confère une présence rythmique et percussive singulière. Son style est directement influencé par Ryan Martinie de Mudvayne, dont il admire la capacité à "tirer les cordes d'une manière incroyablement agressive". En plus de ces techniques, il a développé une approche ingénieuse du string-skipping, où il utilise son pouce comme une note drone sur la corde de mi grave, tout en pinçant les autres cordes avec ses doigts pour créer des motifs complexes.
Cette approche stylistique représente un changement majeur pour CKY. Le son de basse du groupe a traditionnellement été ancré dans un registre plus post-grunge ou rock alternatif, avec des lignes solides mais moins complexes. L'arrivée de Leon promet une section rythmique plus dynamique et articulée, avec une basse qui pourrait passer de son rôle de soutien à un rôle de premier plan, ajoutant des textures complexes et une agressivité percussive aux chansons. Son style de jeu, combiné à l'agressivité de son équipement, laisse présager une direction musicale pour CKY qui sera plus lourde, plus technique et plus en phase avec les sonorités du métal moderne.
La Basse de CKY : Une Histoire d'Instabilité
Pour comprendre l'importance de Mike Leon, il est essentiel de se plonger dans le passé mouvementé de CKY en ce qui concerne ses bassistes. L'histoire du groupe est marquée par une succession de musiciens qui ont occupé ce poste, ce qui souligne le besoin d'une présence stable et durable.
Au début de leur carrière, CKY a connu ses premières difficultés de personnel. Après les bassistes live Andy Smith et Ryan Bruni, le groupe a tiré Bruni en février 2000, affirmant être "déçu par ses capacités et ses performances" en tournée. Chad I Ginsburg a brièvement pris en charge la basse avant que Vernon Zaborowski ne soit recruté en juillet de la même année. Cette rotation précoce a établi un précédent d'instabilité au sein de la section rythmique.
Les Départs Nuancés de Matt Deis
La période la plus notable est sans doute celle de Matt Deis, qui a eu deux mandats distincts avec le groupe. Il a rejoint CKY en 2005, devenant le premier bassiste à temps plein, et est resté jusqu'en 2010. Il a crédité son départ initial à des "problèmes de santé" l'empêchant de s'engager pleinement. Il est revenu en 2015 pour enregistrer l'album The Phoenix, mais a de nouveau quitté le groupe en 2019.
Si son communiqué de 2019 était bienveillant, les discussions qui ont suivi ont révélé une situation plus complexe. Le départ de Deis a coïncidé avec le décès de son père, et il a rapporté un manque de communication et de compréhension de la part du groupe. On lui aurait dit que "la route n'était peut-être pas le meilleur endroit" pour lui et que CKY s'en sortirait "très bien sans lui", ce qu'il a interprété comme une invitation à partir. Cette histoire met en lumière la fragilité des relations au sein des groupes et l'impact des pressions externes et des tragédies personnelles sur la stabilité d'une formation.
L'histoire de CKY est donc parsemée de départs liés non seulement à des questions de performance, mais aussi à des dynamiques interpersonnelles et des défis personnels. C'est dans ce contexte que l'arrivée de Mike Leon prend tout son sens, car son parcours professionnel est marqué par une constance et un engagement qui pourraient être le remède à cette longue période d'incertitude.
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