
Robert Levon Been, né le 22 août 1977 ; il est la pierre angulaire et le co-architecte sonore de Black Rebel Motorcycle Club (BRMC). Son identité musicale est une étude de contrastes, où un tempérament calme et réfléchi en interview dissimule une présence scénique agressive et un son de basse souvent décrit comme combatif. L'existence de Been est une narration captivante, montrant comment il est passé d'une volonté de s'émanciper de l'héritage de son père à un hommage profond et émotionnel à cette même filiation. Ce rapport explore comment ce parcours a façonné son style de jeu singulier, son processus créatif et son influence durable sur le rock moderne.
Les racines du rebelle
Élevé dans les montagnes de Santa Cruz, en Californie, Robert Levon Been a grandi dans un foyer aux influences opposées et complémentaires. Son père, Michael Been, était le leader charismatique du groupe de rock The Call, et sa mère était pasteure luthérienne. Cette dualité de rock et de spiritualité a posé les bases de son œuvre ultérieure, qui est souvent empreinte d'une contemplation profonde sous une couche de distorsion et de bruit.
Dès le début, le chemin de Been vers la musique n'a pas été sans obstacles. Il raconte une anecdote fondatrice : à l'âge de 15 ans, son père, qui produisait le film de Paul Schrader Light Sleeper, l'a confronté à la dure réalité de l'industrie musicale. À ses débuts, alors qu'il jouait dans un groupe au collège, son père a fait une évaluation sincère et crue de son talent. Il a dit à sa mère : "Tu n'as pas à t'inquiéter que ton fils suive mes traces. Il n'a pas ça en lui. Il n'a pas les capacités de base pour suivre la musique". Loin de le décourager, ce moment a agi comme un puissant catalyseur, nourrissant une détermination à forger sa propre voie, indépendamment de l'ombre imposante de son père.
Cette quête d'identité musicale est un thème central de sa carrière. Au début de BRMC, Been a utilisé le pseudonyme "Robert Turner" sur les deux premiers albums du groupe. Cette décision délibérée était une tentative de ne pas être associé à la notoriété de son père. Dans un autre de ses projets, le groupe The Beggars, il est même allé jusqu'à utiliser un autre nom de scène, "Robert Locke". Ces changements de nom ne sont pas de simples fantaisies artistiques ; ils sont un rejet symbolique et une tentative de créer une identité artistique distincte et autonome. La décision de Been de laisser tomber le nom d'emprunt et de revenir à "Robert Levon Been" lors de la promotion du troisième album,
Howl, a été un moment crucial. Ce retour à son nom de naissance indique un changement d'état d'esprit, une acceptation et une appropriation de son héritage, marquant un tournant émotionnellement significatif dans son parcours.
Le fondement sonore de Black Rebel Motorcycle Club
Le Black Rebel Motorcycle Club a été fondé en 1998, initialement sous le nom de The Elements. Le groupe est né de la rencontre de Been et du guitariste Peter Hayes au lycée de San Francisco. La connexion du duo s'est approfondie lorsque Been et son père ont persuadé Hayes, qui avait eu une vie familiale difficile et dormait dans sa voiture, d'emménager avec eux.6 Complété par le batteur Nick Jago, le trio a changé de nom pour Black Rebel Motorcycle Club, en référence au gang de Marlon Brando dans le film de 1953 L'Équipée sauvage.
Le son signature de BRMC est en grande partie dû à la basse de Been, qui ne sert pas de simple instrument rythmique mais de voix principale à part entière. Son style de jeu est à la fois mélodique et brutal. Il utilise un médiator, une technique agressive, et emploie des accords et des cordes à vide en grattant. Ses principales influences sont notamment Peter Hook de Joy Division et New Order, Ride, The Verve, Hendrix et Nirvana. Le son de basse "percutant" et "fracassant" de Been, massivement saturé, est une caractéristique déterminante de l'identité sonore du groupe.
La sonorité singulière du groupe est le résultat d'une relation musicale symbiotique entre Been et Hayes. En tant que trio, la dynamique exige que chaque membre comble l'espace sonore. Been répond à ce besoin en faisant de sa basse un instrument à double fonction : il alterne entre des lignes mélodiques et un "marteau rythmique" fuzz. Cette approche est une nécessité fonctionnelle, car le son de Been doit être suffisamment puissant pour rivaliser avec la configuration de Hayes. Cette concurrence sonore explique le volume élevé et le caractère "combatif" de leurs performances live. L'incident de 2003 à Leeds, en Angleterre, où les autorités de la ville ont annulé un concert de BRMC de peur que la scène ne s'effondre sous leur puissance, est devenu une anecdote célèbre, illustrant de manière concrète la puissance sonore écrasante du groupe.
En studio, Been utilise souvent une approche hybride, combinant le son de ses amplis avec un signal direct pour plus de souplesse, en utilisant des plugins pour affiner les sons. Cette méthode lui permet de sculpter des sons spécifiques sans être limité par la captation du son de l'amplificateur.
L'héritage et l'hommage
La figure du père de Been, Michael Been, a exercé une influence profonde sur le groupe, bien au-delà de la simple paternité. Michael Been a agi comme un "mentor" et a travaillé comme ingénieur du son pour BRMC en tournée. Il a également été considéré comme un "fondateur officieux" du groupe, ayant joué un rôle crucial en persuadant Peter Hayes de vivre avec eux, ce qui a consolidé les bases du groupe.
En 2010, alors qu'il était en tournée avec BRMC au festival Pukkelpop en Belgique, Michael Been a subi une crise cardiaque fatale. Cette perte a été un coup dur pour Robert et l'ensemble du groupe. L'album Specter at the Feast, sorti en 2013, est une œuvre profondément personnelle et émouvante qui reflète le processus de deuil de Been et du groupe. L'inclusion de la reprise de la chanson de The Call, "Let The Day Begin", est un hommage public et direct à son père. Cette décision musicale est le point culminant de l'histoire qui avait commencé avec le choix du pseudonyme "Robert Turner".
Le plus grand moment d'appropriation de cet héritage est survenu lorsque Robert Levon Been a pris la place de son père en tant que bassiste et chanteur principal pour deux concerts de retrouvailles de The Call en 2013. Il s'est produit aux côtés des membres originaux de la formation au Troubadour de Los Angeles. Ce rôle l'a mis au défi vocalement, car les chansons de The Call ont une tessiture plus large que celles de BRMC, et a exigé un style de basse "moins agressif et plus propre". Ce voyage, qui a commencé par le rejet de son héritage paternel à travers l'utilisation d'un pseudonyme, s'est achevé par une acceptation totale et émouvante, où il a littéralement et symboliquement pris la place de son père, honorant son héritage.
La carrière de Been ne se limite pas à BRMC. En dehors du groupe, il a participé à divers projets. Il a été bassiste pour un temps dans le groupe The Beggars, utilisant le pseudonyme de "Robert Locke". Il a également collaboré avec d'autres artistes, notamment avec Night Beats sur leur single "That's All You Got".
Sa polyvalence s'étend également au-delà du rock, comme en témoigne son travail solo. Been a écrit et produit la chanson "Adore" pour le film de 2021 The Card Counter, un projet qui met en évidence sa capacité de compositeur et de multi-instrumentiste, jouant de la guitare, de la basse, du synthé et du chant.
L'impact de Robert Levon Been sur le rock moderne va bien au-delà de sa sonorité de basse saturée et percutante. Son influence réside dans sa capacité à faire de son instrument une partie intégrante d'un tout sonore homogène, agissant à la fois comme une ligne mélodique et un puissant moteur rythmique. Son parcours, depuis le fils qui cherchait à échapper à l'ombre de son père jusqu'à celui qui est devenu une incarnation de son héritage, a profondément défini son identité artistique. Le dévouement de Been à l'authenticité et sa capacité à canaliser ses émotions les plus personnelles dans une musique brute et cathartique ont cimenté sa place en tant que l'un des bassistes les plus distinctifs et influents de sa génération.
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