
Sébastien Tibackx est comme ses origines bretonnes, il sait naviguer sur toutes les mers, tous les océans de la musique depuis des années. Il est la preuve vivante que des talents existent également en France dont le savoir-faire, le groove et la technique n'ont rien à envier à nos homologues américains.
Alors Sébastien, comment tu es venu à la basse ?!
J'ai commencé la musique à 6 ans avec le piano. Enfin, c’était plutôt un orgue avec lequel tu as également une boite à rythme et c’était un professeur itinérant qui passait à la maison. L’apprentissage était très… actuel. Je travaillais du Jean-Michel Jarre, ce genre de morceaux. Mais je reconnais que je n’y prenais pas du tout de plaisir. Il fallait travailler les partitions et ce n’était pas du tout mon truc à l’époque et du coup, je faisais tout à l’oreille.
Par contre, avec les accords, j’étais tout de suite plus à l’aise et à 12 ans, je fais mon premier concert, c’était pour une communion et de la variété, j’ai vite décliné vers le tango et la musique latine.
Arrivé au lycée, le premier vrai groupe se monte et on me dit qu’il manque un bassiste et j’avoue que je ne savais même pas ce que c’était qu’une basse. Alors du coup, je casse la tirelire et je m’achète une basse, un premier prix.
D’ailleurs, pour la petite anecdote sur cette basse, il n’y a pas très longtemps, je surfe sur le web et tombe sur une basse qui ressemble à celle-là. Je la republie et je reçois un message de son propriétaire me disant, c’est ta première basse. Elle s’est revendue au fil des années avec la mention, c’est la première basse de Sébastien Tibackx. Du coup, il me propose de venir l’essayer… Bon, je lui rappelle que je la connais déjà puisque c’est ma première basse :-)
Bref, me voilà donc avec cette basse et aucune connaissance pour en jouer, je ne savais même pas comment l’accorder et à l’époque, on avait quasiment pas de ressources pour apprendre, alors je l’accorde à l’oreille comme je peux.
Au bout d’un an, je jouais avec mais je ne connaissais pas les notes et on tournait un peu en rond avec le groupe, les Furoncles, le groupe qui cherche à percer… :-) Un groupe de composition qui n’a finalement pas duré longtemps.
Du coup, je change de groupe et je me retrouve à faire de la reprise, genre Noir Désir et le guitariste, me voyant jouer dans tous les sens sur le manche jette un coup d’oeil à ma basse et me dit, mais elle n’est pas accordée !
Alors, il me l’accord correctement, je la reprends et… Wouah, tout devient plus facile !
A l’époque, mon ami prenait des cours avec Serge Hendricks, c’était un peu le guitariste référent vers chez moi et il me propose de monter un nouveau groupe de reprise pour jouer du Uzeb, et moi je ne connaissais pas du tout Uzeb.
J’essaie de repiquer toutes les parties tant bien que mal avec pas beaucoup de technique mais j’arrive à le faire en trois semaines et on me dit que ça le fait. Je peux te dire que mes mains chauffaient à mort.
On enclenche finalement des dates avec de grosses scène comme la fête de l’Huma.
Le déclic de vouloir faire de la musique arrive vraiment ici. J’annonce à mes parents que je veux vivre de la musique. Ils ne sont pas contre mais me pousse à faire des études tout de même et je pars au conservatoire.
Je saute quelques années et je finis avec mon diplôme et une médaille d’or. J’enquille ensuite avec une licence de musicologie.
Dans la période, mon professeur de l’époque m’annonce qu’une place de prof de basse se libère au CEM et me voilà parti.
Ma première grosse partie de carrière se passera au Casino de Saint Valéry en Caux. Guillaume Paillotin, qui a joué avec les Rita Mitsouko, me dit qu’il part de là-bas et qu’il y a une place de bassiste à prendre. J’auditionne et j’intègre la formation avec qui ce sera l’éclate totale parce qu’on faisait vraiment tous les styles de musique. Ils avaient tous 10 ou 15 ans de plus que moi et c’étaient des gros costauds de la musique ! Cela a été ultra formateur pour moi.
J’y passerai dix incroyables années de ma vie.
Vers les années 2000, je vais ensuite passer beaucoup de temps à jouer sur Paris.
Et en 2012, c’est le drame ?!
En 2012, c’est une sorte de déclic… J’arrête la musique.
Je passe un BTS d’optique et je pars vivre en Aquitaine pour vendre des lunettes. Etonnant non ?!
Six ans plus tard, je refais ma vie, je rencontre une chanteuse qui est intermittente du spectacle et là, je me remets à la basse. Je refais mon cercle et le premier que je revois, c’est Yves Carbonne. Il revenait des Etats-Unis, il me présente Christian Noguera qui me fera une première basse, une single cut et trois autres suivront.
Là, un nouveau déclic s’opère et je me dis que je n’ai plus envie d’être le bassiste qui joue les fondamentales et je voulais mettre à profit mon bagage et mon expérience passée.
Je tombe sur l’album d’un bassiste que je ne connaissais pas à l’époque, c’est Victor Wooten. Je vais travailler tous ses morceaux et c’est là que je me dis qu’il va y avoir plein de choses à faire.
Mais je me suis aperçu d'une chose, c'est que la plupart des Bassistes en France ont des déjà des à prioris sur l'instrument. Pourquoi je dis en France ? Parce qu’aujourd'hui, j'ai plusieurs groupes de formation avec des bassistes brésiliens, américains et français.
Les Brésiliens considèrent la basse comme le support de la musique. Les américains travaillent de façon très perfectionnistes et diversifiés alors que les français ont beaucoup de mal à sortir au jeu de la fondamentale.
C’est là que m’est venu l’idée de créer un traité sur l’harmonie.
Qu’est-ce que tu voulais apporter au travers de ce traité ?
J’ai apporté la possibilité d’aller plus loin dans la compréhension du rôle de chaque musicien. C’est un traité qui est fait pour tout le monde, tous les musiciens.
Mais c’est aussi un outil de travail excellent pour sortir des sentiers battus de la pédagogie classique et ça fonctionne très très bien. Je pense que ça donne envie d’aller plus loin dans son instrument et j’ai beaucoup de retours positifs dans ce sens.
La transmission, c'est important pour toi ?
C'est très, très important. Ouais. Nous sommes sur terre pour peu de temps et il est important de je pense de transmettre pour que les gens comprennent plus simplement et avance plus vite dans le travail de leur instrument.
Le but est d’apporter de nouvelles compétences aux bassistes pour qu’ils puissent encore plus intelligemment servir la musique.
Du coup, tu te transformes en Bass-Hero ?!
Non, Je reste un musicien, tout simplement. Le truc, c’est qu'à partir du moment où les gens auront notion que ce qui est important dans un groupe, c'est l'intelligence de l'accompagnement, ce que tu vas apporter au lead, ce que tu vas apporter au groupe… Eh bien on gagnera en musicalité.
Alors, quand on me dit que le plus important à la base du groupe, c’est le basse/batterie, j’ai envie de pleurer ! Non, la base d'un groupe, c'est l’écoute !
C’est ce qui m’a poussé à écrire pour partager cette notion de musicalité avec les autres. Du coup, mon dernier album est empreint de participations avec Petteri Sariola, François Constantin ou encore Gerald Toto.
Côté basse, Tu parlais de Noguera tout à l’heure mais tu sembles désormais jouer sur Yamaha ?
Oui, j'ai signé chez Yamaha en 2023. Ils m'ont envoyé une BB et une TRB. Ce sont vraiment des instruments très haut de gamme. Quand j’enregistre avec, le son est vierge et sort sans égalisation.
Quand je les avais contacté, on a pas mal discuté et puis c'est à ce moment-là où il m’ont dit qu’ils n’avaient pas de bassiste comme moi en France.
En tout cas, la TRB est un redoutable instrument. C’est moins sexy qu’une F, c’est clair mais tu as le même son pour trois fois moins cher. C’est un incroyable rapport qualité/prix.
J’ai vu que tu étais au Namm cette année ?! Qu’est-ce que tu auras retenu d’intéressant ?!
Déjà par rapport à il y a deux ans, il y a plein de grandes marques que tu ne vois plus… Plus markBass, plus Gibson mais des luthiers et encore des luthiers… J’ai été très étonné. En tout cas, j’ai été content d’y participer pour le stand Yamaha.
D’ailleurs, il n’y a pas eu de teasing sur les réseaux sociaux sur le sujet ?
C'est vrai qu’aujourd'hui on a un diktat des réseaux sociaux qui devient complètement délirant quoi. A croire qu’il faut forcément teaser sur les réseaux pour être un bon bassiste bien que certains en valent la peine. Egalement signé chez Yamaha, tu as Vincen Garcia qui est impressionnant. Il a développé une technique qui lui permet de bastonner énormément, il a toujours une technique de butée en descente, ça lui permet d'avoir des phrasés de ouf mais ça groove. C'est pas pour rien qu’il a joué avec Cory Wong.
Et pour conclure, si tu avais un conseil à donner à un bassiste débutant ?
De l’ouverture ! S'inscrire dans une école de musique ou chez un prof où on va te te dire de venir toutes les semaines, c'est une culture bien française. Aux États-Unis, l’apprentissage est multi-culturel. Là-bas, il font tous les styles de musique, c'est à dire que tu te spécialises dans un style mais tu dois quand même faire du classique, du Jazz, de la Salsa, du reggae, de la World, du métal… Il n’y a pas de secret, la clé est dans l’ouverture d’esprit.
En France, tu as le conservatoire classique maintenant avec du Jazz, mais le Jazz commence à devenir quelque chose d'aseptisé. Tu as les Rock School à côté également mais tout ça reste très compartimenté et c’est une mentalité très française.
L'équipement de Sébastien Tibackx
Basses : Yamaha BBP35 et TRB1005J
Amplification : Ampeg
Accessoires : Cordes Savarez - Effets line6
Sébastien est l'auteur d'un traité d'Harmonie bien conçu et propose des cours en ligne sur :
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