Ron McClure, le camaléon du jazz-rock né en 1941

Publié le 22 novembre 2025 à 06:00

Né en 1941, Ron McClure est l'aîné de notre trio du 22 novembre et représente la transition académique et virtuose du jazz vers le rock, un mouvement tectonique qui a défini la musique de la fin des années 60. Contrairement à l'approche autodidacte de Weymouth ou à l'apprentissage "sur le tas" de Barrett, McClure est un produit de l'éducation musicale formelle. Il débute le piano à cinq ans, passe à l'accordéon, puis adopte la contrebasse. Il obtient son diplôme de la Hartt School of Music en 1963, armé d'une technique classique et d'une connaissance théorique profonde.   

Son ascension dans le monde du jazz est fulgurante et témoigne d'une excellence rare. Après des débuts avec Buddy Rich et Maynard Ferguson, il accède en 1965 à l'un des sièges les plus convoités du jazz : il remplace le légendaire Paul Chambers au sein du Wynton Kelly Trio. Succéder à Chambers, le bassiste de Kind of Blue, équivalait à être adoubé par la royauté du Jazz.   

Cependant, c'est sa participation au Charles Lloyd Quartet (1966-1969), aux côtés du jeune pianiste Keith Jarrett et du batteur Jack DeJohnette, qui marque l'histoire. Ce groupe fut révolutionnaire : il fut l'un des premiers ensembles de jazz acoustique à jouer dans les temples du rock psychédélique comme le Fillmore Auditorium de San Francisco, partageant l'affiche avec Jimi Hendrix et Janis Joplin. McClure se retrouve ainsi à l'avant-garde de la fusion des publics, préfigurant le jazz-rock.   

Dans les années 70, McClure embrasse pleinement l'électricité. Il co-fonde The Fourth Way, un groupe pionnier du jazz-rock, avant de rejoindre le mastodonte commercial Blood, Sweat & Tears (1974-1975), remplaçant Jim Fielder. Il prouve alors sa capacité à adapter son vocabulaire bebop complexe à des grooves binaires puissants destinés aux stades. Aujourd'hui, il transmet cet héritage encyclopédique en tant que membre de la faculté de Jazz de la New York University (NYU), formant la prochaine génération de virtuoses.   

Le Trait d'Union Stylistique

Ron McClure est le "musicien des musiciens". Son style se caractérise par une fluidité harmonique absolue et une capacité d'adaptation caméléonesque, naviguant entre l'acoustique et l'électrique sans jamais sacrifier son identité.

À la contrebasse, McClure possède un son boisé, percussif, avec une intonation impeccable même dans les registres les plus aigus du manche (position du pouce). Son travail sur l'album Forest Flower de Charles Lloyd montre une interaction quasi télépathique avec Jack DeJohnette. Il ne se contente pas de faire du "walking bass" (marquer les temps) ; il converse avec les solistes, brisant le rythme, insérant des triolets et des contre-mélodies pour créer des tensions harmoniques qui se résolvent de manière spectaculaire.   

Lorsqu'il passe à la basse électrique, McClure n'essaie pas de jouer de la guitare basse comme une contrebasse, une erreur fréquente chez les jazzmen de sa génération. Il adopte le langage du funk et du rock — l'attaque franche, le sustain, le groove binaire — mais y injecte la sophistication harmonique du jazz. Sur les albums de Blood, Sweat & Tears comme New City, ses lignes sont solidement ancrées, mais ses "fills" (improvisations de transition) trahissent sa formation supérieure, utilisant des chromatismes et des substitutions d'accords que peu de bassistes de rock oseraient tenter.   

Dans le groupe Quest (années 80, avec Dave Liebman), McClure explore le jazz modal et le free jazz. Son approche devient plus texturale, utilisant l'archet (arco) sur la contrebasse et des techniques étendues pour créer des nappes sonores, prouvant que la basse peut être un instrument d'avant-garde capable de générer des atmosphères cinématiques.

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