Aujourd'hui, Steve Di Giorgio, le Master Bass Metal, né en 1967

Publié le 7 novembre 2025 à 16:22

Pour des légions de musiciens en herbe dans les années 1990, une question revenait sans cesse en écoutant les albums du groupe séminal Death : "Mais quel est cet instrument?" Ce son fluide, chantant, presque vocal, qui serpentait sous les guitares saturées, n'était pas une guitare, ni un synthétiseur. C'était une basse. Plus précisément, une basse fretless, maniée par l'homme qui fête aujourd'hui son anniversaire : Steve Di Giorgio.

Né le 7 novembre 1967 à Waukegan, dans l'Illinois , Di Giorgio est largement reconnu comme le pionnier et le parrain de la basse fretless dans le métal extrême. Dans un genre musical – le thrash et le death metal – souvent critiqué pour reléguer la basse à un simple rôle de suivi rythmique, Di Giorgio a commis un acte révolutionnaire : il a forcé son instrument à sortir de l'ombre, en lui injectant une dose massive de complexité et de musicalité issue du jazz-fusion.

La carrière de Di Giorgio a débuté dans l'épicentre du thrash metal, la scène underground de la Bay Area. C'est là qu'il a cofondé son premier groupe majeur, Sadus. Mais alors que ses pairs se concentraient sur la vitesse et l'agression, Di Giorgio cultivait déjà un style paradoxal.   

Ses influences n'étaient pas seulement les piliers évidents du métal, tels que Geezer Butler ou Steve Harris. Son panthéon personnel incluait les icônes de la basse jazz-fusion, Stanley Clarke et, surtout, Jaco Pastorius. Plus surprenant encore, il cite Dave Pegg de Jethro Tull comme une influence cruciale pour la fretless, notant que le son de Pegg sur des albums comme A (1980) était "inattendu" dans un contexte rock, et c'est ce qui l'a attiré. Sa première incursion dans la fretless fut d'ailleurs une conversion artisanale d'une copie de Fender Precision Bass.   

Cette pollinisation croisée était un choix délibéré. Di Giorgio, qui avait également joué de la contrebasse au lycée, rendant sa transition vers la fretless électrique "assez transparente" , ne cherchait pas à être "le meilleur", mais à être "différent". Il a compris que le "mwah" (le son chantant caractéristique de la fretless) et la fluidité du jazz lui permettraient de se tailler un espace auditif unique, de se démarquer des guitares saturées, un défi notoire dans le mixage du métal.   

L'apogée de cette expérimentation est arrivée avec sa collaboration la plus célèbre. En 1991, Chuck Schuldiner, le visionnaire du groupe Death, a recruté Di Giorgio pour l'album Human. Le résultat fut une déflagration. Di Giorgio est revenu pour Individual Thought Patterns (1993)  et a également joué sur l'album final de Schuldiner, The Fragile Art of Existence de Control Denied.   

Ces albums sont considérés comme des sommets du death metal technique, en grande partie grâce à la synergie entre la guitare innovante de Schuldiner et la basse de Di Giorgio. Sur des morceaux comme "Overactive Imagination" , la basse n'est plus un simple soutien. Elle devient un second soliste, un instrument de contre-mélodie qui commente, répond et dirige, utilisant des techniques de jeu aux doigts ultra-rapides, des accords et des doubles-stops. Schuldiner (décédé en 2001)  avait trouvé en Di Giorgio le partenaire musical capable d'apporter la complexité jazz que sa musique exigeait, élevant le death metal à un niveau de sophistication inédit.   

Au-delà de Death, Di Giorgio est devenu le bassiste de session le plus demandé et le plus prolifique du métal. Sa discographie s'étend sur plus de 50 albums.   

Sa collaboration avec Testament est une autre pierre angulaire, ayant enregistré l'album acclamé The Gathering (1999)  et étant aujourd'hui membre à part entière du groupe. Il a également été appelé par des géants comme Megadeth, pour qui il a enregistré toutes les pistes de basse de l'album The Sick, the Dying... and the Dead! (2022).   

Sa polyvalence est démontrée par une liste de collaborations qui couvre tout le spectre du métal : Iced Earth , Sebastian Bach (anciennement de Skid Row) , Autopsy , Obituary , et Vintersorg, où il a pu déployer des lignes de basse particulièrement mélodiques. Prouvant qu'il n'est pas confiné à un seul genre, il a également fondé le groupe de jazz-fusion Dark Hall  et le projet de fusion-world-metal Quadvium.   

Techniquement, Steve Di Giorgio est avant tout un "finger guy" , utilisant une technique à trois doigts  pour atteindre des vitesses stupéfiantes tout en conservant une clarté d'attaque. Il estime que son jeu est composé à 80% de fretless contre 20% de basse frettée.   

Son matériel a évolué, passant de ses Rickenbacker 4001 du début de Sadus  à des modèles fretless 5 cordes Custom Carvin (BB75F) et ESP (Custom Forest). Récemment, son association de longue date avec Ibanez a abouti à la reconnaissance ultime : le modèle signature Ibanez SDGB1. Il s'agit de la toute première basse signature de la série BTB (Boutique Bass) de la marque, et de leur première fretless BTB. Cette 5 cordes est dotée d'une touche en ébonol et de micros Nordstrand Big Single, personnellement choisis par Di Giorgio pour leur mordant et leur capacité à percer le mix.   

Di Giorgio lui-même ne se voit pas comme un inventeur, mais comme un passeur. Il a déclaré : "De mon point de vue, je ne suis qu'une partie d'une ligne continue de mes influences". Il a pris le son de Pastorius et de Pegg  et a "continué cette ligne dans le nouveau genre" du métal extrême. Son héritage est là : il a donné aux bassistes de métal la permission d'être des musiciens de jazz, et il a prouvé que la sophistication technique et la brutalité sonore n'étaient pas incompatibles.   

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