En ce 4 novembre, nous commémorons la naissance de Joseph Rupert Benjamin , un homme qui incarne l'une des plus grandes vérités du jazz : la section rythmique est le fondement de la grandeur. Né en 1919 , Benjamin n'était pas un soliste flamboyant cherchant la lumière. Il était l'archétype du "musicien pour musiciens", un contrebassiste dont l'héritage se mesure à sa fiabilité absolue et à sa musicalité profonde.
Son style est constamment décrit dans les archives comme celui d'un "partenaire de section rythmique intelligent mais pas tape-à-l'œil (not showy)" et "pas flashy, dans un rôle de soutien total". La preuve la plus pure de sa philosophie musicale est peut-être le fait qu'il n'a jamais, au cours de sa carrière prolifique, enregistré d'album en tant que leader. Sa carrière n'était pas une quête de gloire personnelle, mais une mission dédiée à faire sonner le groupe.
Né à Atlantic City, dans le New Jersey , Joe Benjamin a fait ses armes à l'époque où les grands orchestres régnaient en maîtres. Sa formation s'est forgée au cœur même de la machine swing. Avant de devenir un pilier des petites formations, il a joué dans les big bands fondateurs d'Artie Shaw, Fletcher Henderson et Sy Oliver.
Cet apprentissage dans l'environnement discipliné des grands orchestres a été déterminant. Il y a appris la primauté du "beat" collectif, la précision et l'importance du son d'ensemble. C'est cette formation rigoureuse qui a forgé son style "non-flashy" et son approche de "soutien". Il a développé un son qui n'était pas seulement une préférence personnelle, mais le résultat d'une éducation musicale qui valorisait la fondation avant l'ornement.
Joe Benjamin a rejoint l'orchestre de Duke Ellington à une période de transition , succédant à Victor Gaskin. Sa présence est devenue un élément essentiel du son de fin de carrière d'Ellington, notamment sur des enregistrements majeurs tels que la New Orleans Suite et la Togo Brava Suite.
Ellington, qui avait toujours eu des "bassistes formidables" (y compris le révolutionnaire Jimmy Blanton), aimait donner à la basse des "spots de fonctionnalité étendus". Dans les suites d'Ellington, Benjamin disposait de "beaucoup d'espace pour être savoureux (get tasty)". Il n'était pas un innovateur à la Blanton ; il était un ancre. Son "walking bass" (ligne de basse marchante), toujours parfaitement "dans le pocket" (juste rythmiquement) , fournissait la stabilité dont l'orchestre avait besoin.
Il existe un paradoxe fascinant : alors que son jeu était perçu comme simple, les sections rythmiques de la Togo Brava Suite – mettant en vedette Benjamin à la contrebasse et le "funky" Rufus Jones à la batterie – ont été "fortement pillées par les DJ d'acid jazz et de drums'n'bass". Comme le note un critique, "Même la génération Acid Jazz pourrait se mettre à groover là-dessus". Cela prouve que sa "simple walking line" n'était pas simpliste ; elle possédait une sophistication rythmique profonde et un "groove" qui ont transcendé les décennies et les genres.
Le véritable génie de Joe Benjamin résidait peut-être dans sa maîtrise de la nuance. Sa compétence la plus remarquable était sa "large dynamique". Il possédait la sensibilité rare de pouvoir soutenir à la fois des "solistes de cor exubérants et des vocalistes subtils".
Cette polyvalence dynamique est illustrée par l'éventail de ses collaborations. D'une part, il pouvait fournir une fondation robuste pour l'énergie de Louis Armstrong ou la puissance vocale de Sarah Vaughan. D'autre part, il était capable de "swinguer à un niveau dynamique à peine audible" lorsqu'il jouait avec Dave Brubeck , dont la musique exigeait une retenue et une écoute intenses.
Cette capacité à adapter son toucher et son volume sans jamais perdre l'essence du "swing" lui a valu le respect des autres musiciens, en particulier des batteurs. Le légendaire "snappy" (vif) batteur Roy Haynes, connu pour son exigence rythmique, a fait appel à Benjamin pour ses propres combos , un témoignage de la qualité infaillible de son "timekeeping" (maintien du tempo).
| Collaborations Majeures de Joe Benjamin | Genre / Rôle |
|---|---|
| Duke Ellington | Jazz (Big Band, Compositeur) |
| Louis Armstrong | Jazz (Traditionnel, Swing) |
| Dave Brubeck | Jazz (Cool Jazz) |
| Sarah Vaughan | Jazz (Vocal) |
| Roland Kirk | Jazz (Soul Jazz, Avant-Garde) |
| Artie Shaw / Fletcher Henderson | Jazz (Swing, Big Band) |
| Mal Waldron | Jazz (Hard Bop) |
| Roy Haynes | Jazz (Bop) |
Joseph Rupert Benjamin est décédé le 26 janvier 1974 , à Livingston, New Jersey, à l'âge de 54 ans. Il laisse derrière lui un héritage qui ne se trouve pas sur des pochettes d'albums à son nom.
Son héritage est tissé dans la trame de centaines d'enregistrements classiques du jazz. Il était le "on-the-case bassman" (le bassiste sur qui on peut compter) , un artisan dont la vie a été consacrée à perfectionner l'art de la section rythmique. En ce jour anniversaire, nous nous souvenons d'un musicien qui a prouvé que la basse n'est pas seulement la voix, mais bien le cœur du jazz.
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