Robert Trujillo est une force dynamique qui a injecté une sensibilité funk et soul distincte dans l'univers du heavy metal. Depuis qu'il a rejoint le groupe Metallica en 2003, il est devenu le bassiste le plus ancien de leur histoire, apportant une stabilité et une nouvelle fondation rythmique qui ont redéfini le son du quatuor. Son parcours est celui d'une intégration magistrale de grooves profonds et complexes au sein de certains des sons les plus agressifs du rock, établissant ainsi une identité artistique unique qui le distingue.
Né Roberto Agustín Miguel Santiago Samuel Trujillo Veracruz le 23 octobre 1964 à Santa Monica, en Californie, Trujillo a grandi à Culver City, imprégné d'un riche héritage mexicain et amérindien. Ses premières influences musicales proviennent de son foyer, où sa mère était une grande amatrice de soul, écoutant des artistes comme Marvin Gaye, James Brown et Sly and the Family Stone. Cette immersion précoce dans la musique de groove a jeté les bases de sa future approche rythmique.
Cependant, la révélation a eu lieu avec la découverte du bassiste de jazz Jaco Pastorius. Pour Trujillo, ce fut un moment sismique. Il a comparé cette expérience à celle d'entendre "Eruption" d'Eddie Van Halen pour la première fois, un événement qui a radicalement changé sa perception du potentiel de la basse. Cette découverte n'était pas seulement une question de goût musical diversifié ; elle a formé le noyau de son identité artistique. Trujillo a perçu chez Pastorius une fusion d'énergies qui transcendait les genres : "Jaco avait un côté qui dépassait de loin son personnage de jazz. Il était funk, il était rock, il était soul. Et toute son attitude était punk". Cette capacité à voir l'interconnexion entre des styles apparemment opposés est devenue le plan directeur de sa carrière, expliquant sa capacité à naviguer entre le funk-metal d'Infectious Grooves et le thrash de Metallica.
Ses premières années ont été marquées par cette dualité, jouant dans des "groupes de fête de jardin" qui reprenaient Black Sabbath et Led Zeppelin, tout en décidant d'intégrer une école de jazz à 19 ans pour devenir musicien de studio.
La carrière de Trujillo a pris son envol lorsqu'il a rejoint le groupe de crossover thrash Suicidal Tendencies, où il s'est rapidement fait un nom pour son style de jeu énergique et teinté de funk. Parallèlement, il a cofondé le supergroupe de funk-metal Infectious Grooves avec le chanteur Mike Muir, un projet qui lui a permis d'explorer pleinement ses influences funk.
Il a ensuite rejoint le groupe d'Ozzy Osbourne à la fin des années 90, un passage qui l'a orienté vers un hard rock plus direct et où il a co-écrit des chansons pour l'album Down to Earth. Cette période a été marquée par une controverse lorsqu'il a réenregistré les pistes de basse de Bob Daisley sur les rééditions des deux premiers albums solo d'Osbourne. Sa polyvalence a également été démontrée par des projets parallèles comme Mass Mental et des collaborations avec Black Label Society.
Le 24 février 2003, il a rejoint Metallica, deux ans après le départ de Jason Newsted. Ayant déjà tourné avec le groupe dans les années 90, il était un visage familier. Son audition et son embauche, immortalisées dans le documentaire Metallica: Some Kind of Monster, sont devenues légendaires, notamment grâce à l'avance d'un million de dollars qu'il a reçue. Son arrivée n'était pas seulement un remplacement, mais l'intégration d'une personnalité et d'un style de jeu qui allaient stabiliser le groupe à un moment critique.
Le style de jeu de Trujillo est immédiatement reconnaissable. Il privilégie le jeu aux doigts, une approche qui le rapproche de Cliff Burton, le bassiste regretté de Metallica, et le distingue de son prédécesseur, Jason Newsted, qui utilisait principalement un médiator. Sa technique est caractérisée par un "plucking" puissant et rythmé, utilisant souvent une technique à trois doigts pour atteindre une vitesse et une endurance remarquables, notamment sur les morceaux rapides de Metallica. Ses compétences en slap, affinées avec Infectious Grooves, ajoutent une autre dimension percussive à son arsenal.
Sur scène, Trujillo est une force de la nature. Sa présence physique, marquée par une basse portée très bas et sa fameuse "marche du crabe", est une partie intégrante du spectacle de Metallica. Son équipement, centré sur des basses à cinq cordes Warwick et Zon équipées de micros EMG, est conçu pour produire un son massif avec un grondement dans les graves et une clarté percutante dans les médiums.
L'héritage de Robert Trujillo s'étend bien au-delà de ses performances. Son admiration pour Jaco Pastorius a atteint son apogée lorsqu'il a produit le documentaire Jaco, un hommage sincère à son héros qui constitue une contribution majeure à l'histoire de la musique. Cette démarche montre une profonde compréhension de sa place dans l'histoire de la musique. Il n'est pas seulement un disciple de Jaco, mais il est devenu un gardien de son héritage. En utilisant le succès qu'il a acquis dans un genre totalement différent, il a activement œuvré pour préserver et promouvoir l'influence de Pastorius pour une nouvelle génération. Ce cycle, de l'inspiration à la préservation active, est une démarche rare et significative.
Cette volonté de préserver l'histoire s'est également manifestée lorsqu'il a retrouvé et est devenu le propriétaire légal de la légendaire "Bass of Doom" de Pastorius, se positionnant non pas comme un collectionneur, mais comme un gardien de ce trésor de la musique. Au sein de Metallica, il est plus qu'un musicien ; il est un membre de la famille, une force stabilisatrice qui valorise la communication et le respect mutuel. Enfin, son héritage musical se perpétue à travers son fils, Tye Trujillo, un bassiste talentueux qui a notamment joué avec Suicidal Tendencies, bouclant ainsi une boucle narrative poignante.
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