Le 14 octobre est également l'anniversaire d'une figure centrale de la musique indépendante contemporaine : Laura Lee Ochoa, née en 1986. Mieux connue sous son nom de scène "Leezy", la bassiste et co-fondatrice du trio texan Khruangbin est bien plus qu'une simple musicienne. Elle est l'architecte sonore et philosophique d'un groupe qui a redéfini le groove au XXIe siècle, faisant de ses lignes de basse l'ancre sur laquelle repose un univers musical éclectique et mondialisé. Son anniversaire est l'occasion de célébrer une artiste qui a transformé le rôle de la bassiste en celui d'une icône culturelle.
Le parcours de Laura Lee Ochoa est l'antithèse du cheminement classique d'un musicien professionnel. Née de parents mexicano-américains, elle se destinait à une carrière bien loin des scènes internationales. Elle a travaillé comme professeure de mathématiques pendant six ans et est titulaire d'un diplôme en histoire de l'art, avec une spécialisation dans l'art du Proche-Orient ancien.
Sa vie a basculé en 2009. Alors qu'elle apprenait le piano avec son ami Mark Speer, futur guitariste de Khruangbin, celui-ci lui a donné un conseil qui allait changer sa vie : "suis la basse". Cette simple suggestion a provoqué une épiphanie. Lorsqu'elle a pris une basse pour la première fois, l'instrument lui a semblé "étrangement logique". Peu de temps après, elle a quitté son poste d'enseignante pour partir en tournée avec le groupe Yppah, avant de co-fonder Khruangbin avec Speer et le batteur Donald "DJ" Johnson Jr..
Ce cheminement non traditionnel est la clé pour comprendre son style. N'ayant pas reçu de formation technique formelle, elle a été libérée des conventions et des attentes académiques. Son approche est entièrement intuitive, guidée par ce qui "sonne bien et se sent bien". Même sa technique de jeu unique, qui consiste à "attacher deux de ses doigts ensemble", est née de cette absence de formation rigide. Cette contrainte auto-imposée est devenue une force créatrice, donnant à son jeu un caractère rebondissant et distinctif. Son histoire démontre que l'identité musicale la plus forte peut émerger d'un parcours où la sensibilité et l'intuition priment sur la virtuosité technique.
Le nom même du groupe, "Khruangbin" – qui signifie "avion" en thaï – est une déclaration d'intention. Il symbolise la myriade d'influences internationales qui constituent l'ADN de leur musique. Leur son est une tapisserie complexe tissée à partir de fils venus des quatre coins du globe : le funk thaïlandais des années 60 et 70, la pop iranienne, le dub jamaïcain, la soul américaine, le surf rock et le rock psychédélique.
Au cœur de ce mélange, les lignes de basse de Laura Lee agissent comme le fil conducteur. Elles sont le moteur du groupe, la fondation rythmique et mélodique sur laquelle tout le reste est construit. Ses grooves sont hypnotiques, constants, créant une toile de fond stable mais vivante qui permet à la guitare de Mark Speer de broder ses mélodies complexes et sinueuses.
Le jeu de Laura Lee est immédiatement identifiable : il est chaud, pulsant, inventif, mais toujours au service de la chanson. Elle privilégie l'économie de notes, la répétition hypnotique et le groove profond à la démonstration technique. Elle décrit elle-même son son idéal comme étant "beurre de cacahuète" (peanut butter), une sonorité chaude, épaisse et crémeuse, inspirée par les enregistrements de Serge Gainsbourg avec Jane Birkin.
Son approche de l'équipement est tout aussi identitaire et pragmatique. Loin de la course à l'armement des collectionneurs d'instruments vintage, sa philosophie est celle de la fidélité et de la symbiose avec ses outils.
| Catégorie | Équipement | Détails |
|---|---|---|
| Basse Principale | SX Custom Handmade J-Style Bass | Une copie bon marché d'une Fender Jazz Bass, choisie à l'origine par nécessité financière, mais qui est devenue sa signature sonore grâce à des micros DiMarzio Ultra Jazz. |
| Basse Signature | Fender Limited Edition Laura Lee Jazz Bass | Une réplique de sa basse SX, créée par Fender, bouclant la boucle de son histoire avec l'instrument. |
| Cordes | D'Addario Chromes Flatwound | Des cordes à filet plat qu'elle n'a pas changées depuis plus de 12 ans, contribuant à son son mat, profond et "beurré". |
| Amplification | Fender Silverface Bassman Ten | Un amplificateur de la fin des années 60, choisi pour son caractère médium qui permet à la basse de se tailler une place unique dans le mix du trio. |
| Effets | Keeley Bassist Limiting Amplifier | Un compresseur qu'elle laisse constamment activé, non seulement pour la consistance tonale mais aussi pour des raisons pratiques sur scène. |
La Naissance de "Leezy" : Un Alter Ego Scénique
Sur scène, Laura Lee Ochoa devient "Leezy". Cet alter ego est une construction délibérée, un personnage qui lui permet de gérer la pression et de se séparer de sa personnalité naturellement introvertie. "Leezy" est extravagante, magnétique et au centre de l'attention.
Le personnage de "Leezy" transcende ainsi le rôle traditionnel du bassiste, souvent relégué à l'arrière-plan. Laura Lee devient le point focal visuel du groupe, une figure qui incarne l'esthétique globale de Khruangbin. Elle ne se contente pas de jouer de la basse ; elle est la curatrice de l'identité du groupe. Ce faisant, elle illustre une évolution majeure dans la musique moderne, où l'image, la mode et la direction artistique sont aussi cruciales que la musique elle-même. Elle a transformé le poste de bassiste en celui d'une icône de style et d'une visionnaire culturelle.
L'influence de Laura Lee Ochoa ne réside pas dans une virtuosité technique éblouissante, mais dans sa capacité à créer des lignes de basse qui sont des mélodies à part entière, des "hooks" mémorables et absolument essentiels à l'identité de chaque morceau. Son jeu est une masterclass en matière de placement, de sonorité et d'économie de notes. Elle représente une nouvelle génération de bassistes pour qui l'identité sonore, le groove global et la narration visuelle sont indissociables. Elle prouve que l'influence ne se mesure pas en notes par seconde, mais dans la profondeur et la richesse du monde que la musique parvient à évoquer.
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