
Le parcours de Robert "Kool" Bell pour devenir une icône du funk n'a pas commencé avec des cordes et des frettes, mais avec des percussions et de la peinture. Né à Youngstown, Ohio, le 8 octobre 1950, puis ayant déménagé à Jersey City, ses premières inclinations musicales étaient purement rythmiques. Lui et son frère Ronald vidaient de vieux pots de peinture pour les transformer en bongos improvisés. Bell se souvient que la quantité de peinture restante à l'intérieur créait des tonalités différentes, un détail qui révèle une compréhension précoce et intuitive de la texture sonore qui allait plus tard définir son jeu de basse. Cette origine est plus qu'une charmante anecdote ; c'est la clé de toute sa philosophie musicale. Son approche de la basse a été forgée d'abord dans le rythme, établissant une connexion symbiotique avec la batterie qui est devenue le cœur du son de Kool & The Gang.
Sa progression vers la basse fut graduelle et organique. Il a d'abord pris une guitare chez un ami et a appris par lui-même à jouer "Comin' Home Baby" d'Herbie Mann sur une seule corde. Le moment décisif a eu lieu lors d'un concert au légendaire Café Wha? à New York, lorsque son frère a repéré une basse de rechange et lui a suggéré de l'essayer. Bell a trouvé les quatre cordes plus épaisses plus intuitives que les six de la guitare. Peu de temps après, sa mère lui a acheté une basse bon marché Zim-Gar chez Macy's, et sans aucune formation formelle, il a commencé sa carrière, se fiant uniquement à son oreille. Il s'est plongé dans le travail des maîtres du jazz et de la Motown comme James Jamerson, Ron Carter et Ray Brown, absorbant non seulement leurs notes, mais aussi leur compréhension de la manière de servir une chanson et de se caler avec un batteur.
La technique de Robert Bell est une leçon magistrale dans l'art du "pocket groove". Son jeu n'est pas défini par des envolées virtuoses et tape-à-l'œil, mais par une maîtrise impeccable du rythme, de l'espace et de la mélodie au service de la chanson. Ses débuts percussifs sont évidents dans sa manière d'aborder l'instrument ; il fonctionne comme le principal moteur rythmique, le lien crucial entre la grosse caisse et les éléments harmoniques du groupe. Son style est l'application pratique des principes fondamentaux d'un grand jeu de groove : écouter plus que jouer, construire à partir de la grosse caisse, et sentir le "pocket" plutôt que de le pourchasser.
Cette méthode est audible sur tous les morceaux phares de Kool & The Gang. Sur "Jungle Boogie", la ligne de basse est une force brute, syncopée et primale, un crochet minimaliste instantanément contagieux. Sur "Hollywood Swinging'", la ligne est plus mobile et mélodique, faisant avancer l'harmonie de la chanson sans jamais perdre son ancrage rythmique. Au moment de "Get Down On It", son style a évolué vers une répétition disciplinée et hypnotique, parfaitement adaptée à l'ère disco-funk, créant un groove à la fois implacable et irrésistible.
La simplicité trompeuse de ces lignes est précisément ce qui a cimenté leur immortalité. Dans les années 1970, Bell se concentrait sur la création de la boucle rythmique parfaite et autonome pour faire danser les gens. La clarté du phrasé, le timing impeccable et l'utilisation stratégique de l'espace dans son jeu ont rendu ces lignes de basse idéales pour la culture hip-hop naissante des années 1980. Les producteurs ont trouvé ses grooves faciles à isoler, à boucler et à utiliser pour construire des morceaux entièrement nouveaux. En conséquence, Kool & The Gang est devenu le groupe le plus samplé de l'histoire du hip-hop. La qualité même qui pourrait amener un auditeur occasionnel à sous-estimer sa technicité — sa retenue — est ce qui a fait de lui un architecte accidentel mais essentiel de la génération musicale suivante.
Le choix d'instruments de Bell a évolué au même rythme que sa carrière, passant de débuts modestes à des outils haut de gamme conçus pour la précision. Son parcours a commencé avec la basse Zim-Gar mentionnée précédemment, avant de passer à des modèles Fender Jazz et Precision. Bien qu'il aimât le son Fender, il trouvait leurs manches "un peu larges" pour ses petites mains. Cela l'a conduit à découvrir les basses Alembic, dont il a trouvé les modèles Oasis "parfaits". Côté amplification, il est passé des amplis Fender aux amplificateurs Sunn dans les années 1970 avant de s'installer sur son équipement moderne et puissant.
La longévité de Kool & The Gang est une réussite monumentale dans la musique populaire, un exploit que Bell lui-même qualifie de sa "plus grande réalisation". Pendant plus d'un demi-siècle, le groupe est resté une force culturelle, remportant de nombreuses distinctions, dont deux Grammy Awards, sept American Music Awards, et une intronisation tardive mais méritée au Rock and Roll Hall of Fame en 2024. La philosophie personnelle de Bell, "Vivre et apprendre, puis apprendre à vivre", reflète une sagesse affinée par des décennies dans une industrie notoirement difficile. Guidé par l'influence de sa mère et inspiré par des héros comme Martin Luther King Jr. et Malcolm X, il a dirigé le groupe à travers les paysages musicaux changeants avec grâce et intégrité. Aujourd'hui, Robert "Kool" Bell est une véritable icône du funk, un bassiste dont l'œuvre a transcendé son contexte original pour faire partie de la bande-son mondiale, résonnant dans les films, lors d'événements sportifs et, plus profondément, dans l'ADN même du hip-hop.
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