Aujourd'hui, Pino Palladino (né en 1957) – Le Caméléon des Quatre Cordes

Publié le 17 octobre 2025 à 09:02

Est-ce que l'on a besoin de présenter Pino Palladino né ce 17 octobre 1957 ? Il est plus justement LE "fil conducteur" de la musique populaire des quatre dernières décennies. Né à Cardiff de parents gallois et italiens, Giuseppe "Pino" Palladino a commencé la guitare à 14 ans avant de se tourner vers la basse à 17 ans, posant sans le savoir les fondations d'une carrière qui allait le voir collaborer avec une liste vertigineuse d'icônes musicales. Son omniprésence, souvent discrète, est le paradoxe qui définit une carrière marquée par une adaptabilité et une musicalité hors du commun.   

Au début des années 80, Palladino a forgé un son qui allait définir une époque. Sa technique signature reposait sur l'utilisation d'une basse fretless Music Man StingRay de 1979, combinée à une pédale d'octave Boss OC-2. Ce mariage a produit un son unique, à la fois mélodique, expressif et percussif, qui a radicalement redéfini le rôle de la basse dans la musique pop. À une époque dominée par les sons synthétiques, sa basse apportait une chaleur et une expressivité quasi-vocale. Il a ainsi démontré que la basse pouvait être un instrument soliste au cœur d'un tube grand public, bien au-delà de son rôle traditionnel de gardien du rythme.   

Cette approche a atteint son apogée avec sa collaboration avec Paul Young, notamment sur l'album No Parlez. Sur la reprise de "Wherever I Lay My Hat (That's My Home)", la ligne de basse de Palladino n'est pas un simple accompagnement ; elle est le contre-chant lyrique de la voix de Young, une mélodie à part entière qui est devenue aussi célèbre que la chanson elle-même. D'autres titres de cette période, comme "I'm Gonna Tear Your Playhouse Down", confirment cette approche audacieuse. Ce son est rapidement devenu une signature très recherchée, menant à des collaborations avec Gary Numan (I, Assassin), Don Henley (Building the Perfect Beast), Go West et Tears for Fears.   

Dans les années 90, Palladino a pris une décision artistique audacieuse : abandonner l'instrument et le son qui l'avaient rendu célèbre. Il a consciemment délaissé la fretless pour se tourner vers des basses frettées, principalement des Fender Precision Bass. Ce changement n'était pas seulement technique, mais philosophique. En comprenant que son son fretless iconique risquait de le cantonner à une époque et à un style, il a opéré une transformation pour assurer sa longévité artistique.   

Inspiré par des légendes comme James Jamerson de la Motown, il a cherché à recréer un son plus fondamental, chaud et rond. Pour ce faire, il a adopté une Fender Precision de 1963, des cordes à filet plat LaBella et un amplificateur Ampeg B-15. En passant du statut de "voix" soliste à celui de "fondation" rythmique, il s'est ouvert à de nouveaux univers musicaux. Ce mouvement stratégique lui a permis de rester pertinent et de s'intégrer parfaitement dans des contextes comme le neo-soul, où une présence plus subtile et profonde était requise.   

Ce nouveau chapitre de sa carrière a été couronné par sa participation à l'album Voodoo (2000) de D'Angelo. Au sein du collectif des Soulquarians, où il était le seul musicien blanc, Palladino a apporté un groove organique et inimitable. Son jeu, caractérisé par un placement légèrement en retrait du temps ("behind the beat"), a créé une tension rythmique qui est devenue la marque de fabrique de l'album. Des titres comme "Chicken Grease" sont devenus des études de cas pour les bassistes du monde entier. Son équipement sur cet album était spécifique et crucial : sa P-Bass de 1963, accordée un ton plus bas (DGCF), avec un étouffoir en mousse près du chevalet pour un son mat et percussif, le tout passant par un ampli Ampeg B-15.   

La polyvalence de Palladino l'a également rendu indispensable sur la scène rock. Après le décès tragique de John Entwistle en 2002, il fut le premier et unique choix de Pete Townshend et Roger Daltrey pour reprendre la basse au sein de The Who. Le défi était immense : succéder à un bassiste au style exubérant et révolutionnaire. Palladino a relevé ce défi en honorant l'héritage d'Entwistle tout en y injectant sa propre sensibilité rythmique, prouvant qu'il pouvait à la fois servir la musique et respecter l'histoire. Pour obtenir un son plus percussif avec le groupe, il a notamment utilisé des basses Fender Jaguar équipées de micros Thunderbird.   

En 2005, il forme le John Mayer Trio avec le guitariste John Mayer et le batteur Steve Jordan. La chimie entre les trois musiciens fut instantanée, donnant naissance à l'album Try! et au concert légendaire Where the Light Is. Dans ce contexte de power trio, son jeu de basse blues-rock, à la fois puissant et inventif, a brillé de mille feux.   

L'influence de Palladino est telle que Fender a créé en son honneur la Pino Palladino Signature Precision Bass. Ce modèle est un hybride de ses deux instruments fétiches : il combine le corps de sa Precision de 1961 en finition Fiesta Red avec le profil de manche de sa Precision de 1963 Sunburst. Cette consécration matérielle témoigne de son rôle majeur dans le retour en grâce de cet instrument classique. Sa discographie, qui s'étend d'Adele à Ed Sheeran, en passant par Nine Inch Nails, Jeff Beck et Eric Clapton, atteste de son statut de bassiste ultime, capable de s'adapter à tous les genres avec une musicalité sans faille.   

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