Aujourd'hui, Flea (1962) le maitre de la funk rock

Michael Peter Balzary, universellement connu sous le nom de Flea, est bien plus qu'un bassiste ; il est une force de la nature, une icône culturelle dont l'impact dépasse largement le cadre des quatre cordes. Son surnom, "Flea" (la puce), lui a été attribué en raison de sa petite taille et de sa manière frénétique et imprévisible d'occuper la scène, un qualificatif qui capture parfaitement l'essence de son jeu et de sa personnalité. Depuis la formation des Red Hot Chili Peppers, Flea n'a pas seulement joué de la basse ; il a activement réinventé sa place au sein d'un groupe de rock. Il a transformé un instrument traditionnellement cantonné à un rôle de fondation rythmique en une voix principale, à la fois percussive, mélodique et chargée d'une expressivité brute qui est devenue la signature sonore du groupe.  

Le parcours de Flea commence le 16 octobre 1962 à Melbourne, en Australie. Sa vie prend un tournant décisif à l'âge de quatre ans lorsque sa famille déménage à Rye, dans l'État de New York, avant que le divorce de ses parents ne le conduise à Los Angeles avec sa mère et son beau-père, Walter Urban, un musicien de jazz. L'environnement familial est décrit comme "violent et alcoolique", une atmosphère instable qui pousse le jeune Michael à chercher refuge dans la rue, où il trouve une nouvelle famille parmi "une communauté de musiciens, d'artistes et de marginaux".  

Contrairement à ce que sa future carrière pourrait laisser penser, sa première passion musicale n'est pas le rock, mais le jazz. Influencé par son beau-père, il devient un trompettiste prometteur, idolâtrant des légendes comme Miles Davis et Dizzy Gillespie. Cette formation initiale est fondamentale pour comprendre la singularité de son style de basse. Le jazz lui inculque un sens de l'improvisation et une conscience harmonique complexe, tandis que la trompette, instrument soliste par excellence, le forme à penser en termes de lignes mélodiques plutôt que de simples notes fondamentales. C'est au lycée qu'il découvre le punk rock, une révélation qui lui apporte l'énergie brute et l'attitude agressive qui deviendront sa marque de fabrique.  

Le style unique de Flea émerge de la fusion de ces deux univers apparemment opposés. Il a transposé la mentalité mélodique et la liberté d'improvisation du trompettiste de jazz sur la guitare basse, mais l'a exécutée avec l'attaque percussive et l'énergie viscérale du punk. Cette alchimie explique pourquoi ses lignes de basse ne se contentent pas de soutenir l'harmonie, mais constituent souvent le riff principal et l'accroche mélodique des chansons des Red Hot Chili Peppers.

C'est au lycée Fairfax que Flea rencontre Anthony Kiedis. Tous deux se décrivent comme des marginaux sociaux, et de cette marginalité naît une amitié "inséparable" qui deviendra le socle du groupe. C'est un autre ami, Hillel Slovak, qui initie Flea au rock et lui apprend les rudiments de la basse. En 1983, le trio, rejoint par le batteur Jack Irons, forme un groupe pour une performance unique sous le nom de "Tony Flow and the Miraculously Majestic Masters of Mayhem". L'énergie est telle que le projet éphémère se transforme en une véritable formation : les Red Hot Chili Peppers sont nés.  

Les débuts sont chaotiques, marqués par des changements de membres et, surtout, par la lutte des musiciens contre la toxicomanie. La tragédie frappe en 1988 avec la mort par overdose d'Hillel Slovak, un événement qui dévaste le groupe et pousse Jack Irons à quitter le navire. La survie du groupe à cette épreuve témoigne de la force du lien qui unit Flea et Kiedis. Leur relation, forgée dans l'adolescence, est plus qu'une simple collaboration musicale ; c'est une fraternité qui a servi de filet de sécurité dans les moments les plus sombres. Comme Flea l'a lui-même suggéré, le groupe est devenu le "véhicule" qui maintient leur lien. Cette dynamique émotionnelle profonde est la clé qui a permis aux Red Hot Chili Peppers de surmonter des épreuves qui auraient anéanti la plupart des autres groupes.  

Le jeu de Flea est une synthèse complexe de technique, de mélodie et d'une recherche sonore constante.

La technique la plus reconnaissable de Flea est son approche du slap, qui combine des frappes percussives du pouce avec des "pops" agressifs des autres doigts. S'inspirant des pionniers du funk comme Bootsy Collins et Larry Graham, il y injecte une vitesse et une férocité issues du punk. Des morceaux comme "Give It Away" ou leur reprise de "Higher Ground" de Stevie Wonder illustrent parfaitement comment cette technique transforme la basse en un instrument à la fois rythmique et soliste, capable de porter le riff principal à elle seule.  

Cependant, réduire Flea au slap serait une erreur. Son jeu est tout aussi remarquable pour sa richesse mélodique, souvent exécutée en fingerstyle. Des chansons comme "Under the Bridge" montrent une approche plus sobre et émotionnelle, où la basse soutient la narration de la chanson avec une ligne fluide et chantante. Sur "Soul to Squeeze", il livre ce que beaucoup considèrent comme l'une de ses plus belles et poignantes lignes de basse, prouvant que sa musicalité ne dépend pas de la vitesse ou de l'agressivité. Cette sensibilité mélodique est un héritage direct de sa formation de trompettiste, lui permettant de construire des contre-mélodies qui dialoguent avec la voix et la guitare.

La carrière de Flea ne se limite pas aux Red Hot Chili Peppers. Sa curiosité artistique l'a poussé vers une multitude de projets parallèles, chacun révélant une facette différente de son talent.

Avec Atoms for Peace, il a exploré des paysages sonores électroniques et expérimentaux aux côtés de Thom Yorke de Radiohead. Pour The Mars Volta, il a enregistré la quasi-totalité des lignes de basse de leur premier album, De-Loused in the Comatorium, démontrant sa capacité à naviguer dans des structures progressives complexes. Ses crédits en tant que musicien de session sont tout aussi variés, allant de la pop grand public d'Alanis Morissette (sur le tube "You Oughta Know") à des collaborations avec des légendes comme Johnny Cash et Tom Waits.  

Parallèlement, il a mené une carrière d'acteur notable, avec des rôles dans des films cultes tels que The Big Lebowski, la trilogie Back to the Future et, plus récemment, des apparitions dans la série Obi-Wan Kenobi et le film Babylon. Ces incursions dans d'autres domaines ne sont pas de simples distractions ; elles témoignent d'une curiosité insatiable qui est le moteur de sa créativité. Chaque projet nourrit son approche musicale, lui permettant, ainsi qu'aux Red Hot Chili Peppers, de se réinventer continuellement et d'éviter la stagnation.  

Flea est unanimement reconnu comme l'un des bassistes les plus influents de l'histoire, ayant inspiré d'innombrables musiciens à adopter l'instrument et à repousser ses limites. Il a fondamentalement redéfini le rôle de la basse dans le rock moderne, la sortant de l'ombre pour la placer au premier plan.  

En 2019, il a publié ses mémoires, Acid for the Children, un récit poétique et sans concession de ses années de formation, qui s'arrête juste avant la naissance du groupe qui allait changer sa vie. Au-delà de l'art, Flea a également montré un engagement profond pour l'éducation. En 2001, il a co-fondé le Silverlake Conservatory of Music, une organisation à but non lucratif visant à offrir une éducation musicale abordable aux enfants défavorisés de Los Angeles.  

En célébrant son anniversaire, on célèbre les multiples facettes de Flea : le virtuose technique, le showman exubérant, l'artiste curieux, l'acteur, l'auteur et le philanthrope. Son parcours, de l'enfance tumultueuse à l'icône mondiale, est une histoire de résilience et de transformation par la musique. Après plus de quatre décennies de carrière, son énergie reste une force vive et inspirante, une pulsation électrique qui continue de faire vibrer la musique mondiale.