Aujourd'hui, Robert "Bob" Quibel (1930-2013) – Le Contrebassiste du Jazz à la Télévision

Publié le 12 octobre 2025 à 10:32

Pour des générations de Français, le visage souriant et la silhouette imposante de Robert Quibel, né le 12 octobre 1930 au Havre, sont indissociables des dimanches passés devant la télévision. Il était le chef d'orchestre complice et bienveillant de l'animateur Jacques Martin, un pilier du divertissement populaire. Mais derrière cette image familière se cachait un musicien accompli, un contrebassiste de jazz respecté qui a marqué de son empreinte la scène musicale parisienne bien avant de devenir une icône du petit écran.  

La carrière de Robert Quibel débute à la fin des années 1950, dans l'effervescence des clubs de jazz et des orchestres de variétés de Paris. Musicien solide et polyvalent, il intègre rapidement des formations prestigieuses comme celles de Benny Bennet et de Jacques Hélian, et devient un musicien régulier de l'orchestre de la mythique salle de l'Olympia, sous la direction de Daniel Janin. Sa réputation de contrebassiste fiable et talentueux lui ouvre les portes des plus grands. En 1962, il rejoint le trio du pianiste et compositeur de renommée internationale Claude Bolling, une collaboration qui durera plusieurs années et qui atteste de sa stature dans le milieu du jazz français. Son agenda de musicien de session est tout aussi impressionnant : il accompagne des stars de la chanson comme Paul Anka et Serge Reggiani. Le point culminant de cette période est sans doute sa participation au dernier et légendaire concert d'Édith Piaf à l'Olympia en 1961, un moment historique de la chanson française.  

Sa rencontre avec l'animateur Jacques Martin en 1964 change le cours de sa carrière et le fait entrer dans le foyer de millions de Français. Une amitié et une collaboration de plus de trente ans naissent, qui s'épanouiront principalement à la télévision. Il devient d'abord le "Kiki" du duo de musiciens "Kiki et Popoff" dans l'émission Midi Magazine. Mais c'est son rôle de chef d'orchestre dans les émissions dominicales de Jacques Martin qui le consacre. De 1977 à 1998, il dirige avec une bonhomie rassurante l'orchestre de L'École des fans, guidant les premiers pas hésitants de jeunes chanteurs, dont une certaine Vanessa Paradis. Il devient une figure paternelle pour les enfants et un repère familier pour les téléspectateurs. Il dirige également le grand orchestre de l'émission Thé Dansant, où Jacques Martin ne manque jamais de le présenter, renforçant sa popularité.  

En devenant cette figure récurrente et accessible, Robert Quibel a, sans doute involontairement, joué un rôle majeur dans la désacralisation de la musique orchestrale pour le grand public. Dans le cadre des émissions de Jacques Martin, le chef d'orchestre n'était plus un maestro distant et intimidant, mais un partenaire de jeu, souvent taquiné par l'animateur. Cette exposition hebdomadaire a familiarisé des millions de personnes avec les codes d'un orchestre dans un contexte de pur divertissement. Par sa simple présence sympathique et professionnelle, il a rendu la musique "savante" moins élitiste et plus proche des gens, agissant comme un véritable passeur culturel dont l'impact dépasse largement sa discographie.  

Moins visible mais tout aussi importante, sa carrière d'arrangeur et de compositeur témoigne de son éclectisme. Dans les années 1980, il met son talent au service du petit écran en arrangeant et composant des musiques pour des séries d'animation populaires comme Sport Billy ou Heckle et Jeckle, ainsi que pour des adaptations phonographiques de classiques de Disney. Parallèlement, il n'oublie jamais ses racines jazzistiques, comme en témoigne sa composition plus ambitieuse, À la mémoire de Duke Ellington, une suite pour quintette de cuivres.

Rôle Période Collaborations / Projets Notables
Contrebassiste de Jazz Années 1950-1970 Orchestres de Benny Bennet, Jacques Hélian ; Trio de Claude Bolling ; Accompagnateur pour Édith Piaf, Paul Anka, Serge Reggiani.
Chef d'Orchestre TV Années 1970-1990 Midi Magazine, L'École des fans, Thé Dansant, Ainsi font, font, font (avec Jacques Martin).
Arrangeur / Compositeur Années 1970-1980 Séries d'animation (Sport Billy), adaptations Disney, composition de la suite À la mémoire de Duke Ellington.

Robert Quibel s'est éteint le 17 janvier 2013, laissant derrière lui une double postérité. Pour le monde de la musique, il reste un contrebassiste de jazz solide et un arrangeur de talent, respecté de ses pairs. Pour le grand public, il demeure le visage et le son d'une certaine télévision française, celle des dimanches en famille, où la musique, même orchestrale, était avant tout synonyme de joie et de partage. 

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