Aujourd'hui, Sarah Murcia née le 7 octobre 1976

Publié le 7 octobre 2025 à 11:26

Le calendrier est parfois facétieux. Il arrive qu'une même date, un simple point sur le fil du temps, devienne le berceau d'une constellation de talents. Le 7 octobre en est un exemple frappant dans le monde de la musique, et plus particulièrement dans le domaine des fréquences graves. Cette journée a vu naître des musiciens dont les parcours, les styles et les philosophies semblent tracer des lignes parallèles qui ne se croisent jamais, mais qui, observées ensemble, dessinent une carte fascinante de l'évolution de la basse et de la contrebasse au cours du dernier demi-siècle.

Nous voyagerons des plaines du Midwest américain avec Dave Hope, l'ancre rythmique du rock progressif de Kansas, aux arénas survoltées du hard rock avec Ricky Phillips, le pilier de Styx, avant de plonger dans les eaux profondes et expérimentales du jazz d'avant-garde français aux côtés de la contrebassiste Sarah Murcia.

Enfin, une mention spéciale sera accordée à une autre âme née ce jour-là : le violoncelliste Yo-Yo Ma. Son inclusion n'est pas une erreur, mais une opportunité délibérée d'élargir la discussion. En créant un pont entre les mondes du rock, du jazz et de la musique classique, sa présence nous invite à réfléchir au rôle universel des instruments graves, ces voix profondes qui, qu'elles soient amplifiées ou acoustiques, soutiennent, ancrent et donnent une âme à la musique. Mises bout à bout, ces chroniques brossent un tableau saisissant de la richesse et de la diversité que peut engendrer un même jour de naissance.

À l'autre extrémité du spectre musical, loin des hits radio et des arénas, se trouve Sarah Murcia. Née en 1976, elle est une figure centrale, respectée et iconoclaste de la scène du jazz et des musiques improvisées en France. Son parcours est marqué par un refus des étiquettes et une curiosité insatiable qui la mène avec une aisance déconcertante du jazz le plus exigeant au punk le plus brut, en passant par les subtilités de la musique orientale.

Formée initialement au piano dès l'âge de 3 ans, puis au violoncelle, Sarah Murcia choisit finalement la contrebasse après avoir été marquée par un concert d'Henri Texier. Elle aura le privilège d'être formée par le légendaire contrebassiste Jean-François Jenny-Clark, ce qui ancre sa pratique dans une tradition de virtuosité et d'ouverture. Ses débuts sont variés : elle accompagne des grands noms de la chanson française comme CharlÉlie Couture, Jacques Higelin et Jeanne Balibar, avant de plonger corps et âme dans le monde du jazz expérimental. Des collaborations clés avec le Magic Malik Orchestra, le saxophoniste américain Steve Coleman, ou encore les clarinettistes Louis Sclavis et Sylvain Cathala forgent sa polyvalence et sa réputation de musicienne intrépide.

Le Jazz, le Punk et la Poésie : Analyse d'un Style Singulier

Pour Sarah Murcia, la contrebasse est un outil de déconstruction culturelle. Plutôt que de rester dans le cadre d'une formation jazzistique rigoureuse, elle l'utilise comme un point de départ pour explorer, questionner et réinventer d'autres genres.

  • Caroline : Son quartet fondé en 2001 est le véhicule de l'une de ses explorations les plus audacieuses : la reprise intégrale de l'album culte des Sex Pistols, Never Mind the Bollocks, sous le titre Never Mind the Future. Loin d'être une parodie, le projet est une ré-imagination jazzistique d'un artefact punk, questionnant les notions d'énergie brute et de sophistication musicale.

  • Eyeballing : Ce projet plus récent la voit collaborer avec le poète Vic Moan. Le groupe, qui inclut un tuba, un piano et un saxophone, mêle chanson, pop singulière et improvisation. L'album est décrit comme expérimental, couvrant un champ sonore allant du rap à l'ambient, avec une approche émotionnellement fraîche mais captivante.

  • Duo avec Kamilya Jubran : Sa collaboration au long cours avec la chanteuse et oudiste palestinienne est peut-être l'exemple le plus pur de sa démarche. Ensemble, elles créent un dialogue interculturel d'une rare intensité, tissant des correspondances si serrées entre le jazz contemporain et la poésie arabe qu'il devient difficile de distinguer où commence un monde et où finit l'autre. Leurs albums, comme Habka (2017), sont des jalons de ce partenariat.

Son approche instrumentale est virtuose mais jamais gratuite. Elle explore la micro-tonalité et la polyrythmie, et n'hésite pas à utiliser sa contrebasse de manière percussive et non conventionnelle. De plus, elle chante de plus en plus, affirmant que "la littérature est au-dessus de tout" et que les textes donnent un sens profond à sa musique.

Avec des albums marquants en tant que leadeuse et une participation à des projets d'envergure comme l'Orchestre National de Jazz, Sarah Murcia s'est imposée comme un modèle de musicienne complète : instrumentiste, compositrice, arrangeuse et cheffe de projets audacieux. Sa carrière est une démonstration que la maîtrise technique peut être un puissant levier pour la critique culturelle et la création de nouveaux langages artistiques, bien au-delà des frontières d'un style unique. Elle incarne une vision de la musique où la contrebasse n'est pas seulement un instrument, mais un outil intellectuel pour repenser le monde.

Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.