
Si Dave Hope représente la quête spirituelle, Ricky Phillips, né le 7 octobre 1952, incarne la figure du professionnel aguerri, du vétéran dont la carrière est un véritable "who's who" du hard rock et de l'AOR (Arena-Oriented Rock). Sa longévité et sa fiabilité en font un bassiste de premier choix, un pilier sur lequel certaines des plus grandes légendes du rock ont pu s'appuyer pendant des décennies.
Élevé en Californie du Nord, Ricky Phillips commence par le piano et la guitare avant de connaître une révélation en découvrant la basse. Il est fasciné à la fois par les lignes mélodiques de Paul McCartney et par le style agressif et percutant de John Entwistle de The Who. Cette double influence forgera son approche pour le reste de sa carrière. Le tournant a lieu lors d'une audition pour le groupe britannique The Babys. Alors qu'il travaille dans un magasin de musique, il apprend que le groupe cherche un bassiste pour permettre au chanteur John Waite de se libérer de l'instrument. Phillips attrape une basse du mur, l'étiquette de prix encore attachée, traverse la rue et décroche le poste. Sa carrière professionnelle est lancée. S'ensuit une série de collaborations prestigieuses qui témoignent de sa polyvalence et de sa réputation : il est membre fondateur de Bad English (avec des musiciens de The Babys et de Journey), il joue avec le duo légendaire Coverdale/Page, accompagne Ted Nugent et contribue même à la bande-son du film culte The Terminator.
Le style de Ricky Phillips est une fusion parfaite de musicalité pop et de puissance rock. Il possède cette capacité rare de savoir instinctivement quand jouer une ligne mélodique qui soutient le chant et quand marteler un riff puissant pour asseoir les guitares. Il incarne le rôle du bassiste au service du groupe, celui qui solidifie le son et fournit une fondation rythmique et harmonique inébranlable, particulièrement crucial dans des formations avec de fortes personnalités comme John Waite, Jimmy Page ou Tommy Shaw.
En 2003, il rejoint Styx, partageant les tâches de bassiste avec le membre original Chuck Panozzo. Conscient du lourd héritage du groupe, il étudie méticuleusement chaque ligne de basse de Panozzo pour en respecter l'esprit. Son objectif est de préserver l'intégrité des chansons originales tout en trouvant des espaces pour exprimer sa propre personnalité musicale, une approche qu'il maintiendra jusqu'à son départ amical du groupe en 2024.
L'évolution du matériel de Ricky Phillips est une véritable leçon sur l'adaptation du son de la basse aux exigences du rock d'aréna. Son instrument le plus emblématique est une basse Fender Custom Shop à 5 cordes, conçue à la fin des années 80 en collaboration avec le luthier Larry Brooks. Inspirée d'une Telecaster Bass, elle présente une construction "neck-through", une ouïe en f, et, innovation pour l'époque dans le rock, des micros actifs EMG de type Jazz Bass. Cette basse a été spécifiquement pensée pour les grandes scènes, sa cinquième corde grave et ses micros actifs lui permettant de s'asseoir dans le mix sans entrer en conflit avec les fréquences basses des claviers, un défi majeur dans le son AOR.
Au fil des ans, il a également utilisé des basses Spector et Dana. Côté amplification, il reste fidèle aux têtes Ampeg SVT-PRO (rééditions vintage). Cependant, sa configuration de scène avec Styx reflète une approche résolument moderne : pour garantir un son clair et contrôlé en façade, le groupe n'utilise aucun baffle sur scène. Phillips branche donc ses têtes d'ampli dans des simulateurs de haut-parleur Palmer PDI-03, qui recréent fidèlement le son d'un baffle 8x10 SVT classique. Polyvalent, il lui arrive aussi de jouer de la guitare sur scène, notamment une impressionnante Gibson EDS-1275 à double manche.
La carrière de Ricky Phillips, et en particulier l'évolution de son équipement, raconte une micro-histoire de la technologie du son live. Il n'est pas seulement un musicien, mais aussi un technicien qui a activement cherché des solutions aux défis posés par l'amplification à grande échelle. Sa basse custom et son rig moderne ne sont pas de simples préférences, mais des réponses innovantes à des problèmes concrets. Il incarne la transition du bassiste rock "brut" des années 70 au "fournisseur de fréquences" moderne, dont le rôle est autant de jouer les bonnes notes que de s'intégrer parfaitement dans un mix sonore de plus en plus complexe. Pendant plus de vingt ans, il a apporté sa stabilité et sa puissance à Styx, participant aux albums Big Bang Theory, The Mission et Crash of the Crown. Il reste un modèle de professionnalisme, un "musicien de musicien" dont la carrière est un exemple d'adaptabilité et de dévouement au service de la musique.
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