Bax Music, redémarrage d'un géant avec désormais des pieds d'argile

Publié le 9 août 2025 à 09:31

L'ascension et la chute d'un géant

L'histoire récente de Bax Music dessine une parabole saisissante de l'ascension fulgurante et de la chute brutale dans le secteur hautement concurrentiel de la vente au détail d'instruments de musique en Europe. Fondée en 2003 par les frères Jochanan et Nathanaël Bax avec une vision audacieuse et un capital de départ modeste, l'entreprise s'est rapidement imposée comme une force pionnière du commerce électronique. En capitalisant sur les nouvelles opportunités offertes par Internet dès 2005, une époque où une telle démarche était encore inhabituelle, Bax Music a connu une croissance exponentielle, se transformant d'une petite entreprise de location de matériel en un géant européen avec des entrepôts massifs, des centaines d'employés et une présence dans huit pays. Cependant, cette trajectoire ascendante s'est achevée de manière spectaculaire le 1er avril 2025, lorsque l'entreprise a été officiellement déclarée en faillite par le tribunal de Zeeland-West-Brabant aux Pays-Bas, laissant derrière elle des clients lésés, des fournisseurs impayés et un secteur stupéfait.

Ce rapport propose une analyse approfondie de la situation économique et financière de Bax Music, en examinant les facteurs qui ont conduit à son effondrement. L'analyse démontrera que la faillite n'est pas le fruit d'un événement isolé, mais plutôt l'aboutissement d'une "tempête parfaite" où se sont conjugués des chocs externes déstabilisateurs, des défaillances de gouvernance interne critiques et une stratégie financière initialement axée sur la croissance à tout prix, puis sur une rentabilité artificielle qui s'est avérée insoutenable.

Au-delà du diagnostic post-mortem, ce document se penchera sur la relance controversée de l'entreprise, connue sous le nom de "doorstart" en droit néerlandais. Orchestrée par le co-fondateur Jochanan Bax, qui avait été évincé de la direction quelques mois seulement avant la faillite, cette renaissance soulève des questions fondamentales. Le rapport se conclut en posant la question centrale pour tout observateur, investisseur ou partenaire potentiel : une entreprise renaissant de ses cendres dans des conditions aussi tumultueuses, grevée par un lourd héritage de dettes morales et de confiance brisée, peut-elle réellement se forger un avenir durable dans un marché impitoyable dominé par des acteurs stables et réputés?

L'analyse de la performance financière de Bax Music entre 2016 et 2023 révèle une histoire en deux actes. Le premier est celui d'une croissance agressive et d'une expansion européenne rapide, qui a solidement établi la marque sur le continent. Le second est celui d'un virage stratégique brutal vers la rentabilité, obtenu par des mesures d'austérité drastiques qui, bien qu'ayant produit des bénéfices à court terme, ont sapé les fondations de l'entreprise et l'ont rendue vulnérable à l'effondrement final.

Partant d'une base solide au Benelux, Bax Music a mené une stratégie d'expansion européenne ambitieuse. En 2016, l'entreprise a franchi le seuil symbolique des 100 millions d'euros de chiffre d'affaires, une étape clé rendue possible par la croissance sur ses marchés existants et l'ouverture de nouvelles boutiques en ligne en Italie, en Espagne et en Suède. Cette dynamique s'est poursuivie, avec un chiffre d'affaires atteignant 126 millions d'euros en 2020 , 130 millions en 2021, et culminant à près de 132 millions d'euros en 2022.

Le modèle économique reposait sur une promesse de "Service XXL", conçue pour attirer et fidéliser les clients dans un marché concurrentiel. Cette offre comprenait des prix compétitifs, une livraison rapide et gratuite pour les commandes substantielles, une politique de retour généreuse de 60 jours et une garantie de 3 ans sur tous les produits. Cette stratégie a permis à Bax Music de se positionner comme un concurrent sérieux face aux géants établis comme l'allemand Thomann et le français Woodbrass, affichant par exemple une croissance de 175% sur sa filiale française en 2014. L'entreprise a soutenu cette croissance par des investissements logistiques importants, notamment un entrepôt de 26 000 m² et des systèmes d'emballage automatisés pour traiter jusqu'à un million de colis par an.

Après avoir enregistré des pertes en 2020, la direction de Bax Music a opéré un changement de cap stratégique radical. L'objectif n'était plus la croissance à tout prix, mais la recherche d'une "efficiëntere bedrijfsvoering" (gestion plus efficace des affaires) pour atteindre la rentabilité. Le principal levier de cette nouvelle stratégie a été une coupe sévère dans les dépenses de marketing et de vente. Ces dépenses ont été presque divisées par deux, passant de 12,6 millions d'euros en 2020 à seulement 6,9 millions d'euros en 2022.

À première vue, cette stratégie a été un succès. L'entreprise a enregistré un bénéfice net de 704 000 euros en 2021 (chiffre qui a ensuite été révisé à la baisse à 511 000 euros), puis a presque doublé ce résultat pour atteindre un bénéfice net de près de 1,5 million d'euros en 2022. Cette amélioration de la rentabilité s'est accompagnée d'une réduction des effectifs, qui sont passés de 316 équivalents temps plein (ETP) en 2020 à 269 ETP en 2022, ainsi que d'une "aplatissement de l'organisation". Cependant, cette rentabilité était artificielle. Elle n'était pas le fruit d'une amélioration fondamentale de la marge brute ou d'une innovation, mais d'une réduction drastique des investissements dans l'acquisition de clients et la notoriété de la marque. Cette approche a rendu l'entreprise financièrement fragile et a érodé son capital de marque, un précurseur silencieux de la crise à venir.

L'année 2023 a marqué le point de rupture. Malgré une augmentation de 13% du chiffre d'affaires, qui a atteint le niveau record de près de 149 millions d'euros, l'entreprise a plongé dans le rouge, affichant une perte nette stupéfiante de plus de 2,5 millions d'euros. Cette inversion dramatique de la fortune a révélé la fragilité du modèle de rentabilité mis en place les années précédentes.

L'indicateur le plus alarmant de la gravité de la situation est apparu en mars 2025, juste avant la déclaration de faillite. Le cabinet d'audit de l'entreprise, WEA Audit, a refusé de signer les comptes annuels de 2023. Un tel refus est un acte extrêmement rare et grave de la part d'un auditeur. Il signale un désaccord profond avec la direction sur la présentation des comptes ou, plus probablement, la conviction que l'entreprise n'était plus une "entreprise en exploitation" viable. Ce fait, révélé après le dépôt tardif des comptes, transforme la faillite d'un événement soudain en une conclusion inévitable, formellement anticipée par ses propres contrôleurs financiers. Il suggère que la situation financière était déjà irrécupérable et que des conflits importants existaient sur la manière de communiquer l'état désespéré de l'entreprise, potentiellement liés à l'évaluation des actifs ou à la divulgation de passifs écrasants.

La faillite de Bax Music n'est pas imputable à une cause unique, mais à une convergence fatale de pressions externes, de dysfonctionnements internes et d'une dégradation opérationnelle systémique. Chaque crise a amplifié les autres, créant une "défaillance en cascade" qui a submergé une entreprise déjà affaiblie par une stratégie financière précaire. L'analyse de cette période révèle comment un leader du marché a pu s'effondrer en un temps remarquablement court.

Deux événements externes majeurs ont porté des coups sévères à la stabilité financière de Bax Music.

Premièrement, la pandémie de COVID-19 a eu un effet paradoxal. Alors que les confinements ont pu stimuler les ventes d'équipements de home studio, ils ont anéanti le marché des événements et des spectacles en direct, un segment de revenus crucial pour les professionnels et donc pour Bax. Le co-fondateur Jochanan Bax a lui-même déclaré que "tout a mal tourné depuis le coronavirus". Plus critique encore, l'entreprise a bénéficié d'aides gouvernementales sous forme de reports de charges fiscales. L'obligation de rembourser cette "dette Covid" a créé une pression considérable et insoutenable sur la trésorerie de l'entreprise une fois la période de soutien terminée.

Deuxièmement, un incendie majeur a frappé l'entrepôt principal de l'entreprise à Goes en septembre 2023. Cet événement a entraîné une perte directe d'inventaire, notamment des guitares endommagées par la fumée, estimée à environ 2 millions d'euros. D'autres rapports font même état de dommages potentiels s'élevant à 10 millions d'euros. Au-delà de la perte financière sèche, l'incendie a gravement perturbé la logistique et la gestion des stocks à un moment où l'entreprise était déjà sous tension, exacerbant les retards de livraison et les problèmes opérationnels.

Parallèlement aux chocs externes, Bax Music était en proie à de graves conflits internes qui ont paralysé sa capacité de réaction. Des rapports font état de désaccords profonds entre les frères fondateurs et d'autres investisseurs. Ces tensions ont culminé au début de l'année 2025 avec le licenciement du co-fondateur et PDG, Jochanan Bax.

Ce conflit au sommet de l'entreprise n'était pas anodin. Il reflétait une divergence stratégique fondamentale. Certaines sources suggèrent que Jochanan Bax s'opposait aux réductions de personnel que d'autres membres de la direction jugeaient indispensables pour la survie de l'entreprise. Son départ a créé un vide de leadership et une paralysie décisionnelle au moment le plus critique de l'histoire de l'entreprise. Privée d'une direction claire et unifiée, Bax Music naviguait à vue, incapable de mettre en œuvre un plan de sauvetage cohérent face à l'accumulation des crises.

La pression financière et les coupes budgétaires ont eu une conséquence directe et visible : l'effondrement de la qualité du service client. Ce qui était autrefois le pilier de la marque Bax Music, le "Service XXL", est devenu son plus grand passif. À partir de 2023, les plaintes de clients se sont multipliées sur les forums et les réseaux sociaux, dessinant le portrait d'une entreprise en déroute opérationnelle.

Les témoignages font état de problèmes systémiques : commandes payées mais jamais livrées, retards de livraison chroniques, communication inexistante ou mensongère de la part du service client, difficultés extrêmes pour obtenir des remboursements, et envoi de produits d'occasion ("B-stock") ou endommagés comme étant neufs. Des clients se sont retrouvés avec des pertes sèches de plusieurs centaines, voire milliers d'euros.

Des témoignages d'anciens employés confirment la cause de cette dégradation : un sous-effectif chronique, des salaires bas, et des services, comme le service après-vente (RMA), complètement "inondés" de travail et incapables de suivre le rythme. Cette dégradation n'était pas un simple symptôme des difficultés financières ; elle en était aussi une cause. En détruisant sa promesse de service, Bax Music a activement aliéné sa base de clients, la seule qui aurait pu lui permettre de survivre, créant ainsi un cercle vicieux : un mauvais service entraînait la perte de clients et une réputation ternie, ce qui réduisait les revenus et la trésorerie, augmentant la pression pour de nouvelles coupes budgétaires.

La structure financière de Bax Music était fondamentalement fragile. L'entreprise était "lourdement endettée", non seulement auprès de l'administration fiscale néerlandaise pour les aides Covid, mais aussi auprès de ses fournisseurs. Des rapports font état d'une "histoire de non-paiement des fournisseurs" et de "demandes de remises énormes", un comportement agressif qui témoigne de problèmes de trésorerie de longue date et de relations tendues avec sa chaîne d'approvisionnement. L'incapacité à honorer ses dettes, en particulier le remboursement des reports fiscaux, a été le coup de grâce financier qui a rendu la faillite inévitable.

Le "Doorstart", une Renaissance Controversée

La faillite de Bax Music n'a pas marqué la fin de l'histoire, mais le début d'un nouveau chapitre tout aussi complexe : une relance rapide, ou "doorstart", menée par le co-fondateur Jochanan Bax. Si cette manœuvre permet à une nouvelle entité d'émerger des décombres, elle se fait au prix d'un lourd tribut pour les créanciers et d'une controverse qui entache la nouvelle entreprise dès sa naissance.

Peu de temps après la déclaration de faillite, il a été annoncé que Jochanan Bax, en partenariat avec un investisseur nommé Stijn Bakkeren, reprenait les activités de l'entreprise. Le duo a payé 15 millions d'euros pour acquérir les actifs les plus précieux de la société en faillite, notamment un bâtiment à Goes et les stocks restants d'instruments et d'articles de musique.

Cette structure juridique est un avantage considérable pour les nouveaux propriétaires. Elle leur permet de repartir avec des actifs "propres", libérés du fardeau de la dette de l'ancienne société. La banque, qui était le principal créancier garanti avec une créance de 12,6 millions d'euros, a été intégralement remboursée grâce au produit de la vente, ce qui indique que ses prêts étaient sécurisés par des actifs. Le plan de la nouvelle direction est de relancer l'activité en s'appuyant sur les fondations de l'ancienne : réembaucher environ 80% des quelque 300 anciens employés et rouvrir les principaux magasins physiques (Goes, Apeldoorn, Amsterdam) ainsi que la boutique en ligne.

Si le "doorstart" est une opération financièrement avantageuse pour les repreneurs, il est désastreux pour les créanciers non garantis. La dette totale laissée par l'ancienne société est estimée à un minimum de 32 millions d'euros. Cette somme colossale représente des pertes sèches pour des centaines de fournisseurs et d'autres partenaires commerciaux qui ne reverront probablement jamais leur argent.

Le groupe le plus durement touché, et celui dont l'impact sur la réputation de la nouvelle entreprise est le plus dévastateur, est celui des clients. Il est estimé que les clients qui avaient payé d'avance pour des biens qu'ils n'ont jamais reçus ont perdu un total de 4 millions d'euros. Juridiquement, ils sont devenus de simples créanciers chirographaires (non garantis) dans la procédure de faillite, avec une chance quasi nulle de récupérer leurs fonds.

Cette situation a engendré une immense colère et une perte de confiance profonde au sein de la communauté des musiciens. Des clients se sentent floués, voire volés, et le nom "Bax Music" est désormais associé à un risque financier majeur. Les nouveaux dirigeants en sont conscients, reconnaissant que "regagner la confiance" des clients est un défi "crucial" pour l'avenir. La nouvelle entreprise ne part donc pas d'une page blanche, mais avec un "déficit de confiance" considérable, ayant socialisé ses pertes auprès de ses clients et fournisseurs tout en privatisant ses actifs pour un nouveau départ.

Le Retour Contesté de Jochanan Bax

Le retour de Jochanan Bax aux commandes est loin de faire l'unanimité et constitue un paradoxe fondamental pour la nouvelle entreprise. D'un côté, sa passion de fondateur et sa connaissance intime du secteur sont des atouts. De l'autre, sa réputation en tant qu'employeur est sérieusement écornée, ce qui représente un risque interne majeur.

Alors que certains anciens employés se sont déclarés "superblij" (super contents) de pouvoir reprendre le travail, la réaction du syndicat néerlandais CNV a été virulente. Un représentant syndical, Henry Stroek, a qualifié Jochanan Bax de "de verreweg de slechtste werkgever die ik de afgelopen jaren ben tegengekomen" (de loin le pire employeur que j'ai rencontré ces dernières années) et a jugé son retour "onverteerbaar" (indigeste). Des témoignages d'anciens employés sur des plateformes comme Reddit décrivent une culture d'entreprise toxique, avec une micro-gestion omniprésente, de mauvaises conditions de travail, du matériel informatique obsolète et une pression constante due à des retards ingérables.

Ce leadership controversé place la nouvelle entreprise dans une position difficile. Une relance réussie nécessite un personnel motivé et engagé pour fournir le service exceptionnel requis pour regagner la confiance des clients. Or, la personne chargée de mener cette transformation est perçue par beaucoup comme une partie du problème qui a conduit à la chute initiale. Ce paradoxe interne pourrait saper les efforts de redressement avant même qu'ils ne portent leurs fruits.

La nouvelle entité Bax Music ne renaît pas dans un vide. Elle réintègre un marché européen de la vente d'instruments de musique mature, dynamique mais aussi impitoyable. Sa position est celle d'un acteur affaibli, confronté à des concurrents puissants, financièrement stables et, surtout, jouissant d'une réputation de fiabilité qu'elle a elle-même perdue.

Le Champion en Titre du marché... Thomann

Le leader incontesté du marché européen est l'entreprise allemande Thomann. Avec un chiffre d'affaires annuel avoisinant 1,4 milliard d'euros en 2024, dont 65% réalisés à l'international, Thomann est une puissance avec laquelle il faut compter. Certaines estimations placent même son revenu pour le seul domaine thomann.de à plus de 1,7 milliard de dollars US en 2024.

Le succès de Thomann repose sur une proposition de valeur claire et une exécution sans faille. L'entreprise est réputée pour sa fiabilité, son service client de premier ordre, son immense entrepôt (le plus grand d'Europe), sa garantie de 3 ans et sa politique de retour de 30 jours "satisfait ou remboursé". Comme le souligne un expert, Thomann a réussi à tenir à distance un géant comme Amazon en excellant sur trois fronts : proposer des produits de niche, posséder une connaissance approfondie de son catalogue et offrir des services qu'Amazon ne peut égaler. Pour de nombreux musiciens en Europe, Thomann n'est pas seulement un magasin, c'est la référence en matière de confiance et de service. C'est contre cet étalon-or que le nouveau Bax Music sera inévitablement jugé.

Au-delà du géant paneuropéen, Bax Music doit également faire face à des concurrents nationaux solidement implantés. En France, l'un de ses marchés clés, l'acteur dominant est Woodbrass. Se présentant comme le "N°1 de la vente d'instruments de musique en France", Woodbrass combine une forte présence en ligne avec une empreinte physique significative, notamment quatre magasins à Paris totalisant 800 m² d'espace de vente.

Woodbrass propose une offre de services très similaire à celle de Thomann et à l'ancienne promesse de Bax : garantie de 3 ans, options de paiement échelonné, livraison gratuite à partir d'un certain montant et politique de retour de 30 jours. L'entreprise dispose d'un stock important et d'une large gamme de produits, y compris des articles d'occasion. En tant que leader établi sur le marché français, Woodbrass représente un obstacle direct et redoutable pour Bax Music, qui doit non seulement concurrencer son offre mais aussi surmonter sa réputation endommagée auprès des clients français.

Un Secteur en Pleine Mutation

Le marché européen des instruments de musique, bien que conséquent (estimé à plusieurs milliards de dollars), traverse une période de turbulence. La faillite de Bax Music n'est pas un cas isolé, mais s'inscrit dans une tendance inquiétante qui voit de grands détaillants rencontrer des difficultés financières ou fermer leurs portes. Des exemples notables incluent la mise en redressement judiciaire de PMT au Royaume-Uni et la fermeture de tous les magasins Sam Ash aux États-Unis.

Cette tendance révèle les pressions intenses qui pèsent sur le secteur : la concurrence féroce des pure players en ligne, l'augmentation des coûts opérationnels (loyers, salaires, énergie) et l'évolution des comportements des consommateurs. Le nouveau Bax Music ne se relance pas seulement en tant qu'entreprise affaiblie, mais il le fait dans un environnement de marché qui se consolide et qui ne pardonne aucune erreur stratégique ou opérationnelle.

L'analyse comparative met en lumière une réalité brutale : le nouveau Bax Music entre en compétition non pas comme un challenger, mais comme une entité endommagée dans un "aquarium de requins". Ses principaux concurrents ne sont pas seulement plus grands et plus stables financièrement ; ils possèdent l'atout le plus précieux que Bax a perdu : la confiance. Dans un marché où l'achat d'un instrument est un investissement important qui repose sur la fiabilité du service après-vente, la confiance est un facteur décisif. Un client qui hésite entre Bax et Thomann ne fait pas une simple comparaison de prix. Il pèse une économie potentiellement faible contre un risque perçu comme élevé. Dans ce contexte, la marque de confiance dispose d'un avantage concurrentiel quasi insurmontable, compromettant fondamentalement la position de Bax dès le premier jour de sa nouvelle existence.

La survie et le succès futurs de la nouvelle entité Bax Music ne dépendent pas simplement de la réouverture de ses magasins et de son site web. Ils reposent entièrement sur sa capacité à relever un défi colossal : la reconstruction d'une confiance anéantie. Cette tâche exige bien plus qu'une simple campagne de marketing ; elle nécessite une transformation fondamentale de ses opérations, de sa culture d'entreprise et de sa communication.

Le passif le plus lourd hérité par le nouveau Bax Music n'est pas financier, mais réputationnel. La faillite a laissé des cicatrices profondes, en particulier chez les 4 millions d'euros de clients qui ont perdu leur argent. Sur les forums, les réseaux sociaux et les sites d'avis, le sentiment dominant est celui de la trahison, de la colère et de la méfiance. De nombreux anciens clients ne se contentent pas d'exprimer leur frustration ; ils mettent activement en garde les autres consommateurs, les exhortant à éviter l'entreprise à tout prix.

Ce problème est exacerbé par l'émergence d'escrocs qui capitalisent sur la situation. De faux sites web et de fausses pages Facebook, utilisant des noms comme "Bax Clearance" ou "baxmusiqueu.com", ont vu le jour, proposant des instruments haut de gamme à des prix invraisemblables (par exemple, une guitare Gibson de 4300 € à 149 €) pour attirer les clients crédules et leur voler leur argent.44 Ces arnaques, qui exploitent la confusion entourant la faillite, polluent davantage l'image de la marque et renforcent l'association du nom "Bax" avec le risque et la malhonnêteté. Le défi fondamental est que le nom même de "Bax Music" est devenu, pour une partie significative du marché, synonyme de perte financière et de promesses non tenues.

La Nécessité de Résoudre les Problèmes Fondamentaux

Une simple déclaration d'intention ne suffira pas. Pour regagner la confiance, le nouveau Bax Music doit prouver par des actes qu'il a changé. Cela implique de s'attaquer de front aux défaillances opérationnelles qui ont précipité sa chute.

Premièrement, l'entreprise doit investir massivement dans son service client. Cela signifie recruter, former et rémunérer correctement un personnel suffisant pour répondre rapidement et efficacement aux demandes des clients, loin du modèle sous-dimensionné et externalisé qui a échoué par le passé.

Deuxièmement, la logistique et la gestion des stocks doivent être irréprochables. Les promesses de livraison doivent être réalistes et tenues. La gestion des retours et des remboursements doit être rapide, transparente et sans friction pour le client.

Troisièmement, un contrôle qualité rigoureux est indispensable pour mettre fin à la pratique de l'envoi de produits endommagés ou de "B-stock" déguisés en neufs, une plainte récurrente qui a gravement nui à sa crédibilité.

Enfin, et c'est peut-être le plus difficile, l'entreprise doit s'attaquer à ses problèmes de culture interne. Les critiques virulentes du syndicat CNV et les témoignages d'anciens employés sur les mauvaises conditions de travail ne peuvent être ignorés. La construction d'une équipe motivée, respectée et engagée est une condition sine qua non à la fourniture d'un service client de qualité. Sans une refonte culturelle, les mêmes problèmes opérationnels risquent de réapparaître.

Le nouveau Bax Music n'est plus l'ombre que de lui-même. Il est confronté à un marché européen dominé par des concurrents comme Thomann, qui ne sont pas seulement plus grands et plus riches, mais qui incarnent précisément la vertu que Bax a perdue : la fiabilité. L'arène concurrentielle est impitoyable et ne laisse que peu de place à un acteur dont le nom est devenu, pour beaucoup, un avertissement.

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