Ibanez SDGB1 Steve Di Giorgio Signature, l'excellence technique au service de l'extrême

L'évolution de la basse électrique dans les registres de la musique technique et extrême a atteint un point de convergence singulier avec l'introduction de l'Ibanez SDGB1. Cet instrument, conçu pour et par Steve Di Giorgio, ne représente pas seulement une extension de la gamme Boutique Bass (BTB) d'Ibanez, mais constitue une réponse technologique aux exigences de clarté et de puissance imposées par le death metal technique et le thrash moderne. Alors que la basse fretless était historiquement confinée aux nuances du jazz ou à la chaleur du fusion, Di Giorgio a prouvé, dès les années 1980 avec Sadus puis avec Death et Testament, que l'absence de frettes permettait une articulation et une identité sonore uniques au sein de mixages denses et saturés. La SDGB1 est le premier modèle signature à intégrer la série BTB et demeure, à ce jour, l'unique option fretless de cette ligne premium, soulignant son caractère exclusif et hautement spécialisé.   

Genèse d'un pionnier et philosophie de conception

Le développement de la SDGB1 s'appuie sur trois décennies d'expérimentation sonore menée par Steve Di Giorgio. Ce musicien, souvent qualifié de « monstre de la fretless », a bâti sa réputation sur une capacité à marier une technique de main droite fulgurante avec l'expressivité lyrique d'un instrument dépourvu de frettes. Son parcours, jalonné de collaborations avec des formations légendaires comme Autopsy, Control Denied ou Obscura, a nécessité des instruments capables de supporter des tensions de cordes élevées et des attaques percutantes tout en conservant le "mwah" caractéristique de la fretless.   

Le choix de la plateforme BTB pour son modèle signature n'est pas fortuit. Steve Di Giorgio a longtemps utilisé des modèles BTB de série, modifiés ou personnalisés, pour répondre à ses besoins en studio et en tournée. La série BTB se distingue par son architecture massive, ses cornes allongées favorisant l'équilibre et son diapason étendu, autant d'éléments qui constituent la fondation de la SDGB1. L'objectif était de créer un instrument capable de passer du "brut" au "nuancé", reflétant la dualité du jeu de Di Giorgio, capable de lignes de basse agressives comme de solos mélodiques complexes.   

Spécifications techniques et dimensions structurelles

L'architecture de la SDGB1 repose sur une construction à manche traversant, une méthode qui garantit un transfert de vibration optimal et un sustain exceptionnel, indispensables pour compenser l'amortissement naturel des cordes sur une touche sans frettes.   

L'utilisation d'un diapason de 35 pouces est un choix critique pour une basse à 5 cordes. Cette longueur supplémentaire permet d'augmenter la tension de la corde de Si grave (B), évitant ainsi le manque de définition ou le côté « spongieux » que l'on retrouve parfois sur des instruments à diapason standard de 34 pouces. Cette tension accrue est essentielle pour le jeu de Di Giorgio, car elle permet aux notes les plus graves de résonner avec une clarté quasi pianistique, tout en offrant une base solide pour les harmoniques artificielles qu'il affectionne.   

Analyse des matériaux et science des bois

La SDGB1 utilise une combinaison complexe de bois naturels et de matériaux synthétiques pour sculpter sa réponse fréquentielle. Chaque choix de matériau répond à un objectif précis de stabilité ou de coloration sonore.

Le manche multi-laminé et les renforts en graphite

Le manche est une pièce maîtresse de l'ingénierie Ibanez, composé de 9 plis alternant l'érable, le bubinga et le panga panga. Cette superposition n'est pas seulement esthétique ; elle crée une structure extrêmement rigide capable de résister aux forces de tension multidirectionnelles. L'érable apporte la brillance et la réactivité, le bubinga renforce les médiums et la stabilité structurelle, tandis que le panga panga contribue à une attaque de note supérieure et à des graves serrés.   

Pour garantir une stabilité infaillible, le manche est renforcé par des tiges en graphite. Ces inserts agissent comme un squelette interne qui minimise les mouvements du bois face aux variations d'humidité et de température, un point crucial pour les musiciens de session voyageant fréquemment entre différents climats. Cette rigidité accrue favorise également un sustain "massif", car l'énergie de la corde est moins absorbée par la flexion du manche.   

La touche en Ébonol : Performance et durabilité

Contrairement aux basses fretless traditionnelles qui utilisent souvent l'ébène, la SDGB1 est équipée d'une touche en ébonol. L'ébonol est un matériau synthétique produit à partir de couches de papier noir imprégnées de résine phénolique. Ce choix reflète la vision pragmatique de Steve Di Giorgio et d'Ibanez sur la longévité de l'instrument.   

L'ébonol possède une dureté supérieure à celle de la plupart des bois naturels, ce qui est impératif pour une basse fretless jouée avec des cordes à filets ronds (roundwounds). Ces cordes sont connues pour marquer et creuser les touches en bois tendre, nécessitant des ponçages réguliers. L'ébonol résiste beaucoup mieux à cette abrasion, bien que des marques cosmétiques superficielles puissent apparaître avec le temps. Sur le plan sonore, l'ébonol produit un son plus "claquant" et brillant que l'ébène, aidant la basse à percer à travers les murs de guitares saturées. De plus, ce matériau offre une surface parfaitement homogène, exempte de nœuds ou de variations de densité, éliminant ainsi les "points morts" acoustiques.   

Ailes du corps : L'équilibre tonal

Le corps de la SDGB1 est constitué d'ailes fixées au manche traversant. Ces ailes utilisent un mélange de frêne et d'okoumé, recouvert d'une table en érable flammé.   

1. Le Frêne : Apporte une réponse dynamique étendue, avec des aigus clairs et des basses percutantes.   

2. L'Okoumé : Offre une chaleur proche de l'acajou, compensant la brillance du frêne et de l'érable pour donner du corps aux médiums.   

3. L'Érable flammé : Outre son aspect esthétique souligné par le fini Dark Moss Burst, il ajoute une légère compression et une clarté supplémentaire à l'attaque.   

Cette combinaison garantit que l'instrument possède la résonance nécessaire pour les styles plus fluides comme le jazz, tout en conservant l'agressivité requise pour le métal extrême.   

Électronique et architecture sonore

Le système électronique de la SDGB1 est conçu pour offrir une flexibilité totale, permettant de passer d'un grognement métallique agressif à une rondeur thumpy en quelques réglages.   

Micros Nordstrand Big Single

L'instrument est équipé de deux micros passifs Nordstrand Big Single. Ces micros sont des géants tonals qui intègrent une bobine simple massive dans un boîtier de type soapbar. La philosophie des Big Single est de capturer la clarté et l'attaque percutante d'un micro simple bobinage classique, mais avec une puissance et une épaisseur de son normalement associées aux humbuckers.   

Pour une basse fretless, cette clarté est vitale : elle permet de retranscrire fidèlement chaque glissement de doigt et chaque nuance d'intonation, même avec une distorsion importante. La disposition des micros est optimisée pour capter une large plage de fréquences, le micro chevalet offrant un "growl" incisif tandis que le micro manche apporte de la profondeur et du corps.   

Égalisation Vari-mid III et système 18V

Le cœur du contrôle tonal est le préampli Ibanez Custom Electronics doté de l'égaliseur Vari-mid 3 bandes. Ce circuit est alimenté en 18 volts (deux piles de 9V), ce qui offre une réserve de puissance (headroom) supérieure, évitant toute distorsion indésirable du signal même lors de boost fréquenciels extrêmes.   

L'égalisation se distingue par son contrôle des médiums semi-paramétrique. Au lieu d'une fréquence centrale fixe, l'utilisateur dispose d'un bouton concentrique permettant de balayer les fréquences moyennes et d'appliquer un boost ou un cut précis.   

Le commutateur de bypass de l'égaliseur est une fonction essentielle pour les puristes. Lorsqu'il est activé, la basse fonctionne en mode passif. Dans ce cas, le bouton des aigus se transforme en réglage de tonalité globale passive, permettant une approche plus "old school" et organique du son. Cependant, les utilisateurs notent une baisse de volume sensible lors du passage au passif, un comportement attendu qui nécessite un ajustement du gain sur l'amplificateur.   

Accastillage et ergonomie de jeu

L'accastillage de la SDGB1 a été sélectionné pour sa fiabilité et sa contribution à la précision chirurgicale requise par les lignes de basse de Testament ou Sadus.

Chevalet MR5 Mono-Rail

Ibanez utilise le système de chevalet MR5 (Mono-Rail V), où chaque corde possède sa propre unité indépendante fixée séparément au corps. Cette conception offre deux avantages majeurs :   

1. Isolation des cordes : Les vibrations d'une corde ne sont pas transmises mécaniquement aux autres via le chevalet, ce qui garantit une pureté de note maximale et évite les interférences sympathiques.   

2. Transfert d'énergie : Chaque pontet est ancré doublement au corps, maximisant le transfert d'énergie vibratoire directement dans les bois de résonance, ce qui favorise un sustain prolongé.   

L'espace entre les cordes est de 19 mm, ce qui offre un confort familier pour les bassistes habitués aux standards des 4 cordes, facilitant ainsi les techniques de slap ou de jeu aux doigts rapide.   

Stabilité et visibilité sur scène

Les mécaniques Gotoh en finition Cosmo Black assurent une tenue d'accord irréprochable, même sous les contraintes de tensions élevées et de jeu agressif. La précision de ces mécaniques est cruciale sur un instrument fretless où la moindre dérive de l'accordage peut rendre le jeu faux, l'oreille n'ayant pas de frettes pour compenser l'écart.   

Pour l'orientation sur les scènes sombres, Ibanez a inclus des repères latéraux luminescents. La touche étant totalement vierge de lignes ou d'incrustations sur le dessus (un choix esthétique puriste partagé par Di Giorgio), ces points brillants sur la tranche du manche deviennent les seuls repères visuels du musicien pour assurer la justesse de ses positions.   

L'expérience utilisateur : Maniabilité et sonorités

La manipulation de la SDGB1 révèle un instrument imposant. Le format BTB est naturellement plus large et plus lourd que la série Soundgear (SR).   

Poids et équilibre du corps

Avec un poids estimé entre 4,2 kg et 5 kg selon les exemplaires, la SDGB1 se situe dans la catégorie des instruments lourds. Cette masse est la contrepartie de sa construction robuste et de son sustain infini. Toutefois, grâce à la conception de la série BTB, la basse est parfaitement équilibrée. La corne supérieure allongée permet à l'instrument de se positionner naturellement sur le corps du musicien, minimisant le "plongeon du manche" (neck dive) qui affecte souvent les basses à long diapason.   

Le défi du diapason de 35 pouces

L'augmentation du diapason à 35 pouces impose un écartement plus important entre les notes, surtout dans les premières positions. Pour un bassiste habitué au 34 pouces, un temps d'adaptation est nécessaire pour recalibrer la mémoire musculaire de la main gauche, sous peine de jouer légèrement faux (souvent trop bas) dans le bas du manche. Cependant, une fois maîtrisé, ce diapason offre une réponse harmonique et une tension de corde que beaucoup de professionnels considèrent comme supérieure pour les accordages graves.   

Caractère sonore : Du "Mwah" au grognement métallique

La SDGB1 est capable de produire le fameux effet "mwah", ce gonflement vocalique de la note, particulièrement lorsqu'on joue près de la touche avec une attaque de main droite plus douce. Mais sa véritable force réside dans sa capacité à maintenir une texture "mordante" et agressive. Les micros Nordstrand, couplés à la dureté de la touche en ébonol, produisent un son riche en harmoniques supérieures, idéal pour le jeu virtuose de Di Giorgio où chaque note doit rester distincte malgré la rapidité d'exécution.

Ecouter le résumé audio de cet article