Interview, Christophe Madoz, le nouveau visage à la basse de DEYT

Publié le 29 décembre 2025 à 12:34

Après des années passées à explorer les contrées brutales du Metalcore en tant que guitariste, Christophe Madoz a troqué ses sept cordes pour une basse au sein du projet "Destroy Everything You Touch". Pour gravebasse.com, il revient sur cette transition, sur l'importance cruciale des fréquences dans un mix hybride et sur la nouvelle phase créative du groupe, marquée par le passage au français.

 

Ton parcours est assez atypique. Tu viens du métal extrême et tu as fait un détour par les groupes de reprises avant de rejoindre Destroy Everything New Touch. Comment s'est fait ce passage à la basse ?

C’est venu d’un besoin de lever le pied. J’ai passé des années dans le milieu Metalcore et Brutal, un marché de niche où l’on joue souvent devant dix personnes sans jamais être payé. J’ai donc intégré un groupe de reprises, South Rock. C’était l’inverse total, lucratif, facile, on enchaînait les dates. Mais artistiquement, je m’y perdais. Reprendre les morceaux des autres finit par lasser.

En 2020, le poste de bassiste s'est libéré dans le groupe d'amis que je suivais : Destroy Everything New Touch. Ils m’ont proposé de les rejoindre. Au début, j'étais sceptique : je suis guitariste, j'aime les sept cordes ! Mais j'ai fini par accepter. Finalement, je vois la basse comme une "grosse guitare". Le rôle est différent, mais dans ce groupe, on parle vraiment de "basse guitare", on est loin de la rythmique pure ou du slap traditionnel. C’est une approche très contemporaine, presque du design sonore.

Le groupe intègre beaucoup d'électronique, des synthés et des textures complexes. Quelle place occupe la basse dans ce chaos organisé ?

C’est tout le défi. On évolue dans un écosystème chargé : batterie électronique (qui ne sonne parfois pas du tout comme une percussion), nappes de synthés, loops et une guitare qui alterne entre métal et sons clairs. Ma basse doit s'articuler là-dedans.

Parfois, j’ai un rôle traditionnel, calé sur le kick. Mais souvent, je me place comme une guitare d’accompagnement, voire un instrument lead avec des sons totalement détruits. J'utilise beaucoup d'effets : distorsions agressives, delay, pitch shifting... On recherche des fréquences qui ne sont normalement pas dévolues à la basse. On travaille sur des médiums très marqués, en coupant les extrêmes. Parfois, l’auditeur ne sait même plus que c’est une basse qui joue. C’est cette recherche qui me passionne.

Côté matériel, tu sembles avoir une configuration très précise pour obtenir ce résultat ?

Absolument. Je joue sur une Solar AB2 Baryton montée avec des micros Fishman Fluence. C’est ultra précis, avec trois zones de fréquences et un split micro. Pour le traitement, j’utilise un Line 6 Helix pour tout ce qui est pilotage MIDI et effets spatiaux (reverb, pitch shift), et une pédale Adam de chez Darkglass (la machine de distorsion de chez Nolly) pour le grain saturé. On réfléchit même à passer sur un Quad Cortex pour centraliser tout ça. L’idée, c’est la haute précision.

Le groupe entame ce que vous appelez la "Phase 3". Qu’est-ce que cela implique, notamment avec le passage au chant en français ?

On s'est rendu compte qu'avec l'anglais, les gens appréciaient la musicalité mais passaient à côté du message profond. Comme notre musique est basée sur l'émotion et la texture, le français permet une connexion directe. C’est ce qu’on a fait sur notre précédent single Visage et sur Silence, qui est sorti le 25 octobre 2025.

Silence traite de sujets graves, comme les violences conjugales, mais par la suggestion, l’apaisement et des sonorités très "années 80", un peu à la Blade Runner. C'est Lily, notre chanteuse, qui écrit les textes. Elle a un talent fou pour transformer sa voix en instrument avant même de poser les mots.

Vos concerts semblent très travaillés visuellement et techniquement. Il n'y a pas de place pour l'improvisation ?

On n'est pas "Rock'n'Roll" au sens classique du terme. Tout est calibré, du premier au dernier morceau. On joue au clic, le MIDI pilote nos pédaliers et les vidéos sont synchronisées. Entre les morceaux, il n’y a jamais de blanc : il y a toujours une nappe, un sample ou un bruit distordu pour maintenir l’immersion.

On a récemment fait une résidence à La Vapeur à Dijon avec un coach scénique. Ça nous a forcés à mettre notre fierté dans notre poche. On pensait avoir un bon son, mais il nous a montré qu'on avait un bon son "individuel", pas un son de groupe. On a tout réappris : quelle fréquence occupe quel instrument, pourquoi jouer cette note plutôt qu'une autre ? Aujourd'hui, on a un son de groupe qui arrache littéralement en live.

2026 approche, quels sont les prochains objectifs pour Destroy Everything New Touch ?

Un nouveau titre intitulé Paradis est prévu pour la fin d'année. C’est un morceau très particulier avec une basse en dissonance, très lourde, qui vient casser une ambiance de synthés "crémeux".

Ensuite, on lève un peu le pied sur les concerts pour se consacrer à la composition. L’objectif est de sortir un album complet en 2026. On veut sortir des cases habituelles tout en restant programmables. Le fait de chanter en français nous ouvre aussi de nouvelles portes. On veut proposer un univers intense, néo-rétro, où la basse continue d'être cet instrument hybride, entre fondation rythmique et destruction sonore.

On fera quand même un écart avec une date de concert prévue au Bistrot de la Scène à Dijon le 11/06/2026.

Le mot de la fin pour nos lecteurs de gravebasse.com : "Chaque note de basse compte. Si le guitariste se trompe, ça passe. Si le bassiste fait une erreur, l'univers musical s'arrête. C'est cette responsabilité et ce pouvoir sur l'émotion du morceau qui font que je ne regrette absolument pas mon passage de la sept à la quatre cordes."

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