2025, véritable virage ou effet de mode...

Publié le 27 juillet 2025 à 15:17

Innovation Ergonomique, Héritage Réinventé

Le paysage de la guitare basse en 2025 se définit par une dualité fascinante : une poussée incessante vers des conceptions futuristes et centrées sur le musicien coexiste avec une réimagination stratégique de plateformes emblématiques et éprouvées. Cette année ne se résume pas à de nouveaux modèles ; elle est marquée par de nouvelles philosophies de conception.

Quatre thèmes principaux émergent comme les piliers de cette transformation. Premièrement, l'ergonomie est devenue un moteur de conception principal, les instruments headless (sans tête) et multi-scale (à diapasons multiples) passant du statut de curiosités de niche à celui de concurrents grand public. Deuxièmement, les marques historiques comme Fender recalibrent le marché en explorant de nouveaux territoires de fabrication pour combler l'écart entre les instruments d'entrée de gamme et les modèles professionnels. Troisièmement, les collaborations entre artistes et marques s'approfondissent, donnant naissance à des modèles signature qui relèvent moins de l'endossement que de la co-conception, capturant l'ADN sonore unique d'un artiste. Enfin, l'électronique avancée continue de dominer la sculpture du son de basse moderne, des préamplis embarqués sophistiqués aux plateformes multi-effets révolutionnaires.

Ce rapport explore ces tendances en détail, en commençant par les conceptions de pointe qui redéfinissent l'interaction physique avec l'instrument, en examinant comment les géants de l'industrie adaptent leurs héritages, en analysant les modèles signature les plus marquants de l'année, et en plongeant dans les technologies qui façonnent le son de la basse moderne.

La tendance la plus significative dans la construction de basses modernes est la quête d'une jouabilité, d'un confort et d'une cohérence sonore ultimes grâce à une ingénierie avancée. Ces conceptions s'attaquent à des problèmes de longue date liés à la santé et à la fatigue physique des musiciens.

Le concept headless n'est pas une simple mode passagère, mais une solution fonctionnelle à des problèmes fondamentaux. Initié par le travail pionnier de Ned Steinberger, qui abordait la conception d'instruments avec une philosophie de "la forme suit la fonction", le design sans tête a été conçu pour résoudre les problèmes d'équilibre, de poids et de praticité.

L'impératif ergonomique est au cœur de cette révolution. Les avantages tangibles incluent un poids réduit, l'élimination du "neck dive" (où la tête de l'instrument pique vers le sol), un meilleur équilibre et un format plus compact, idéal pour les voyages. Cette approche est directement liée à la santé des musiciens. Les troubles musculo-squelettiques liés au jeu (TMS) sont fréquents, et les conceptions ergonomiques peuvent atténuer la tension sur l'épaule, le dos et les poignets, permettant des sessions de jeu plus longues et plus confortables. En 2025, des modèles clés comme la série EHB d'Ibanez et la Marcus Miller M6 de Sire rendent cette philosophie de conception accessible à un public plus large.

Le concept de multi-scale, ou frettes en éventail (fanned frets), s'inspire de la physique d'instruments comme le piano à queue, où les cordes graves sont plus longues que les cordes aiguës pour optimiser la tension et la clarté tonale. Sur une basse, cela se traduit par une tension plus uniforme sur l'ensemble du manche. Le résultat est une corde de Si grave plus tendue, mieux définie et moins "flasque", tandis que les cordes plus aiguës conservent une souplesse agréable sans devenir trop rigides.

Au-delà de l'avantage sonore, la disposition en éventail des frettes offre un bénéfice ergonomique surprenant : elle s'aligne souvent plus naturellement avec l'angle de la main gauche lorsqu'elle se déplace le long du manche. Cette technologie est mise en œuvre dans les modèles phares de 2025, notamment les basses Ibanez EHB MS et la Sire M6, qui combinent les approches

headless et multi-scale pour une expérience de jeu résolument moderne.

Les caractéristiques headless et multi-scale, autrefois réservées aux luthiers de luxe, sont désormais au cœur des offres de milieu de gamme de grands fabricants. Historiquement, des marques comme Steinberger et Dingwall ont établi le marché haut de gamme pour ces conceptions. Cependant, l'essor de musiciens techniquement accomplis sur les plateformes numériques a créé une demande pour des instruments facilitant les techniques avancées. Grâce aux progrès de la fabrication CNC et à la maturité des usines en Indonésie, il est devenu économiquement viable de produire ces conceptions complexes à des prix plus bas. En conséquence, des marques comme Ibanez, Sire et Cort se livrent une concurrence féroce dans cet espace "ergo-accessible", offrant des caractéristiques avancées pour moins de 1500 €, un segment de marché autrefois dominé par des conceptions traditionnelles.

  • Sire Marcus Miller M6 : Ce modèle se distingue par ses options de corps en acajou ou en frêne des marais, un manche vissé en 5 pièces d'érable et d'acajou, une touche en palissandre, et des micros exclusifs Marcus Pure-H Revolution associés au préampli polyvalent Heritage-3. Sa plage de diapasons varie de 33"-34.5" pour le modèle 4 cordes à 33"-35" pour le 6 cordes, avec un point neutre (frette droite) qui varie selon le modèle, un détail noté par la communauté des bassistes.

  • Ibanez EHB Series (EHB1135MS & EHB1675MS) : La série EHB met l'accent sur la légèreté avec des corps chambrés. Le modèle EHB1135MS utilise un corps en okoumé avec une table en frêne et des micros Bartolini BH2, tandis que le EHB1675MS, plus haut de gamme, présente un corps en frêne avec une table en ébène pâle et des micros Fishman Fluence. Les deux modèles partagent un manche robuste en 9 pièces de panga panga et noyer. Le choix entre les micros Bartolini et Fishman est un point de discussion majeur, les BH2 étant souvent perçus comme plus chauds mais potentiellement "boueux", tandis que les Fluence sont appréciés pour leur clarté et leur polyvalence.

  • Cort Artisan Space 4 : Ce modèle propose un corps en érable tendre avec une table en loupe de peuplier, un manche en 7 pièces d'érable torréfié, noyer et amarante, et des micros Bartolini MK-1. Les critiques saluent sa jouabilité et son équilibre, mais certains utilisateurs notent des incohérences potentielles dans la finition et un son perçu comme plus fin pour les micros MK-1 par rapport aux modèles Bartolini fabriqués aux États-Unis.

Les géants de l'industrie, Fender et Music Man, s'adaptent à un marché en évolution, équilibrant leurs riches héritages avec le besoin d'innovation et de nouveaux positionnements tarifaires.

En 2025, Fender a lancé sa nouvelle série Standard, fabriquée en Indonésie, avec un prix de départ d'environ 649 €. Cette décision stratégique répond directement à l'écart de prix grandissant entre la série Squier Classic Vibe et la série Player (fabriquée au Mexique), de plus en plus coûteuse. Ces instruments présentent des corps en peuplier, des manches en érable avec une finition satinée et des micros en céramique. Cette segmentation est claire : les Squier Classic Vibe conservent leurs spécifications vintage (manches vernis, mécaniques vintage), tandis que la série Player II, plus chère, offre des corps en aulne et des micros Alnico.

Cette nouvelle gamme a suscité un débat intense au sein de la communauté. La question centrale est de savoir s'il s'agit d'une véritable Fender ou d'une Squier rebaptisée à un prix plus élevé, un phénomène que certains appellent la "taxe sur le logo". Alors que la qualité de la fabrication indonésienne moderne est largement reconnue, comme en témoignent des marques telles que PRS SE et G&L Tribute, les premières critiques ont remis en question la qualité de certains composants, notamment les micros et l'accastillage, par rapport aux modèles mexicains. Cette stratégie, bien qu'elle puisse attirer un segment de marché désireux d'arborer le logo Fender à moindre coût, risque à long terme de diluer la valeur perçue de la marque et de brouiller les lignes qui justifient les prix plus élevés de ses instruments fabriqués au Mexique et aux États-Unis.

Parallèlement, la gamme Squier Classic Vibe continue d'évoluer avec de nouveaux ajouts pour 2025. La Classic Vibe Telecaster Bass renoue avec un design vintage, dotée d'un corps en peuplier, d'un diapason de 34 pouces et d'un unique micro humbucker Alnico à large plage conçu par Fender.

Plus audacieuse, la Classic Vibe Active ‘70s Jazz Bass, disponible en versions 4 et 5 cordes, apporte une touche de modernité à un classique. Elle est équipée de micros Alnico Noiseless conçus par Fender et d'un préampli actif à 2 bandes, ce qui la positionne comme une concurrente directe sur le marché des basses actives abordables. L'ajout d'un chevalet HiMass vise à améliorer le sustain, une caractéristique recherchée par de nombreux bassistes modernes.

Music Man adopte une stratégie différente de celle de Fender. Plutôt que de simplement apposer son nom sur des designs plus abordables, la marque utilise sa gamme Sterling pour démocratiser ses innovations les plus audacieuses.

Pour la première fois, la forme de basse emblématique Bongo est disponible dans la gamme plus accessible Sterling by Music Man. Ce modèle est doté d'un corps en acajou d'Indonésie, d'un manche en érable torréfié, de deux micros humbucker en céramique et d'un préampli actif à 2 bandes. Proposée à environ 859 € (4 cordes) et 959 € (5 cordes), elle rend un design autrefois exclusif et haut de gamme accessible à un public plus large. La principale différence notée par les passionnés est le préampli à 2 bandes, contre le 4 bandes de l'original Music Man, un compromis pour atteindre ce nouveau prix.

La collaboration avec Darkglass Electronics se poursuit avec la sortie de la DarkRay 5, une version 5 cordes de ce modèle innovant. Son principal atout est son préampli actif Darkglass personnalisé à 2 bandes, qui offre trois circuits distincts et commutables :

Clean, Alpha (distorsion) et Omega (fuzz), facilement identifiables grâce à un anneau LED à code couleur. Avec un corps en nyatoh, un manche en érable torréfié et une touche en ébène, cette basse est conçue pour les sons modernes et agressifs, au prix d'environ 1 679 €.

Cette approche "technologique descendante" contraste fortement avec la stratégie de Fender. Alors que Fender capitalise sur son nom de marque pour des designs traditionnels et économiques, Music Man mise sur sa réputation d'innovation de pointe pour conquérir le marché du milieu de gamme, en se basant sur les caractéristiques et la technologie plutôt que sur le seul héritage de la marque.

La Science du Son – Une Plongée dans la Technologie de la Basse

De nombreuses basses de milieu de gamme de marques comme Ibanez et Cort utilisent des micros Bartolini sous licence, les modèles MK-1 et BH2 étant les plus courants. Selon les retours de la communauté, le MK-1 est souvent décrit comme plus fin ou "claquant", tandis que le BH2 est qualifié de "chaud" mais potentiellement "boueux", manquant de définition dans un mix. Il est important de noter que les MK-1 sont fabriqués par Cort sous licence et ne sont pas des produits Bartolini USA, ce qui explique la différence de son significative. Techniquement, le MK-1 est une conception à simple bobinage splitté, tandis que le BH2 est un humbucker à double bobinage avec une longue lame, conçu pour une réponse équilibrée.

L'histoire de l'électronique active commence avec le travail de pionnier d'Alembic pour des groupes comme le Grateful Dead, utilisant des micros à basse impédance et un préampli embarqué pour augmenter le signal et la bande passante. La Music Man StingRay a ensuite popularisé ce concept en étant la première basse de série à proposer un égaliseur actif, offrant aux musiciens un contrôle de tonalité sans précédent.

L'ère moderne est marquée par des préamplis de plus en plus sophistiqués. Darkglass Electronics est un innovateur clé, d'abord avec ses pédales populaires, puis avec des circuits intégrés comme celui de la DarkRay 5. L'aboutissement logique de cette évolution est le Darkglass ANAGRAM, une station de travail pour basse qui va au-delà de l'égalisation pour offrir une plateforme complète de modélisation d'amplis et de multi-effets, dotée d'un processeur hexacœur, d'un écran tactile et d'une intégration open-source NAM. Cela représente un changement de paradigme, passant de la simple sculpture du son au remplacement complet d'un rig dans un format de pédale.

Alors que les bois traditionnels comme l'aulne et le frêne restent des références, la demande d'instruments plus ergonomiques a favorisé l'utilisation de bois alternatifs plus légers. Le Paulownia, utilisé dans la série "SuperLight" de Sandberg, est extrêmement léger mais aussi très tendre et sujet aux bosses. L'Okoumé, utilisé par Ibanez dans la série EHB, est une alternative légère à l'acajou, offrant des médiums-graves riches.

Cette évolution met en lumière un point crucial : à mesure que l'électronique active devient plus puissante et polyvalente, l'impact de l'essence de bois utilisée pour un corps de basse solid-body sur le son final amplifié devient de moins en moins perceptible. Le débat sur les "bois de lutherie" provient des instruments acoustiques et des premières guitares électriques passives. Sur une basse active moderne, le signal est fortement traité par un préampli puissant avant même d'atteindre l'amplificateur. La capacité de ces préamplis à sculpter radicalement les fréquences donne au joueur un contrôle bien plus grand sur le son final que les subtiles différences entre, par exemple, un corps en aulne et un corps en okoumé. Par conséquent, en 2025, le choix du bois de corps pour les basses solid-body est de plus en plus dicté par le poids, l'équilibre et l'esthétique, privilégiant le confort du musicien plutôt que des nuances sonores de plus en plus négligeables.

L'année est marquée par la généralisation des conceptions ergonomiques, le repositionnement stratégique des marques historiques pour améliorer l'accessibilité et la suprématie de l'électronique dans la définition du son moderne. À l'avenir, il faut s'attendre à voir encore plus d'options ergonomiques abordables, tandis que la frontière entre les préamplis embarqués et les plateformes de modélisation numérique complètes continuera de s'estomper.

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