
L'histoire ne commence pas avec un luthier, mais avec un sculpteur. Ned Steinberger, diplômé en sculpture et designer de mobilier industriel, aborde la conception d'instruments avec un regard neuf, dénué des conventions de la lutherie traditionnelle. Fin des années 70, il partage un atelier à Brooklyn avec le luthier Stuart Spector. C'est en collaborant avec lui sur le design de la célèbre basse Spector NS (pour Ned Steinberger) qu'il commence à repenser fondamentalement l'ergonomie et la physique de l'instrument.
Son constat est simple : la tête d'une basse ou d'une guitare est une source de déséquilibre et d'instabilité d'accordage. De plus, le bois, matériau traditionnellement utilisé, est sensible aux variations de température et d'humidité.
En 1979, Ned Steinberger présente son premier prototype : la basse L2. C'est un choc esthétique et technologique.
Le design "Headless" (sans tête) : C'est l'innovation la plus visible. Les mécaniques sont déplacées sur le corps, au niveau du chevalet. Cela offre un équilibre parfait (plus de "nez qui plonge") et une stabilité d'accordage inégalée.
Les matériaux composites : Pour s'affranchir des contraintes du bois, la L2 est fabriquée à partir d'un mélange de fibre de carbone et de fibre de verre. Ce matériau, extrêmement rigide et insensible aux conditions climatiques, garantit une résonance et un sustain exceptionnels, sans les "points morts" (notes qui sonnent moins bien) que l'on peut trouver sur certains manches en bois.
Le corps minimaliste : Surnommée la "basse-pagaie" ("boat-paddle bass"), la L2 a un corps rectangulaire réduit à sa plus simple expression.
Le succès est immédiat. Des bassistes de renom comme Tony Levin (King Crimson, Peter Gabriel), John Entwistle (The Who) et plus tard en France, Corine Marienneau (Téléphone) ou Éric Serra avec Jacques Higelin, adoptent cet instrument au look futuriste et aux performances sonores redoutables. La marque Steinberger Sound Corporation est fondée en 1980 et le TIME Magazine classe la L2 parmi les cinq meilleures conceptions de l'année 1981.
Les années 80 sont l'âge d'or de Steinberger. La marque développe de nouveaux modèles comme les séries P (corps triangulaire) et M (plus traditionnelle, dessinée avec Mike Rutherford de Genesis).
En 1987, la marque est rachetée par Gibson. Si cela permet d'assurer la pérennité de l'entreprise, beaucoup de puristes considèrent que cette acquisition marque la fin de la période la plus innovante. La production est délocalisée de Newburgh (New York) et, au fil du temps, les modèles vont évoluer pour toucher un public plus large, souvent avec des compromis sur les matériaux pour réduire les coûts.
C'est dans ce contexte post-Gibson que naissent les séries qui vont rendre la marque plus accessible :
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La série Spirit : Une version d'entrée de gamme, souvent fabriquée en bois (érable) et non plus en composite. Le son est décrit comme moins précis et la finition moins haut de gamme que les originales, mais elle permet de goûter au confort et au design Steinberger à un prix abordable.
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La série Synapse (dont la XS-1 fait partie) : Positionnée comme le milieu de gamme, la série Synapse est une tentative de renouer avec l'esprit d'innovation. C'est un hybride : elle conserve un manche en bois (érable) mais y intègre le fameux canal en "U" en graphite CybroSonic™. C'est le lien direct avec l'héritage de la marque. La Steinberger XS-1FPA est donc le fruit de cette histoire :
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Elle hérite du design "headless" et de l'ergonomie révolutionnaire des premiers modèles.
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Elle utilise le graphite dans son manche pour une stabilité accrue, un clin d'œil aux matériaux composites des L2 originales.
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Elle utilise des micros modernes (EMG et piezo) pour une polyvalence sonore adaptée aux exigences actuelles.
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Elle est cependant construite avec un corps et un manche en bois, ce qui la différencie des modèles fondateurs tout en la rendant plus accessible financièrement.
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En somme, la Steinberger XS-1 n'est pas une simple basse sans tête. C'est l'héritière d'une vision radicale qui a bouleversé le monde de la basse. Elle représente un compromis intelligent entre les innovations de l'âge d'or de la marque et les réalités de production modernes, offrant une grande partie de l'expérience Steinberger à un public plus large. Même si celle-ci n'est plus fabriquée depuis longtemps, le marché de l'occasion en propose quelques fois à des prix encore relativement abordable.
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